La force de son bras épargné embrasse sa taille dans un geste désespéré tandis qu’il laisse le torrent de ses larmes se déverser contre la poitrine de son tout. Il s’agrippe à elle, comme par peur qu’elle ne disparaisse elle aussi, le laissant seul avec ses démons. Fantômes machiavéliques qui s’expriment dans les paroles qui parviennent à s’échapper de sa bouche, se frayant un chemin au milieu des lamentations incontrôlables et inconsolables. « C’est ma faute… Tout est de ma faute… » Il n’a de cesse de marteler son esprit avec ces paroles tortionnaires. S’il avait été capable de vaincre ce fichu stress post-traumatique, s’il avait prêté davantage attention à la route, si ses réflexes n’avaient pas été entravés par son manque de concentration, s’il s’était contenté de conduire prudemment plutôt que de s’énerver sur sa fille… Peut-être aurait-il pu éviter la collision avec cette voiture. Peut-être aurait-il pu ne pas créer d’accident. Peut-être aurait-il pu protéger sa femme et leur enfant d’un traumatisme physique et psychique. Peut-être aurait-il pu éviter la mort de leur bébé à naître. Il se répète alors inlassablement que tout est de sa faute, qu’il est le responsable, qu’il est celui qui a envoyé l’amour de sa vie dans ce lit d’hôpital et cette petite fille qu’ils attendaient dans un cercueil. « Je t’en supplie, pardonne-moi… », la supplie-t-il désespérément dans une voix brisée par la douleur du deuil mêlée à celle de la culpabilité. Rose, elle reste silencieuse face à ses implorations. Sans un mot, elle s’efforce à se mettre assise, luttant certainement contre tous les signaux douloureux que lui envoie son corps. Il aimerait l’obliger à se rallonger, Léonard, lui demander de s’écouter et de rester tranquille. Mais aucun son ne sort de sa bouche, si ce ne sont ces sanglots déchirants qui continuent de remonter sa trachée. Alors il la laisse s’asseoir et glisser ses douces mains contre ses joues pour l’obliger à relever la tête. Ses yeux croisent les siens et l’envie de détourner son regard s’empare de ses tripes. Il lutte, pourtant, gardant ses prunelles profondément ancrées dans les siennes alors que les perles salées continuent de glisser contre ses joues, se perdant contre les paumes de son épouse. « Mon amour, je suis si désolée. Je suis là. On va se relever. Tu vas te relever. À deux, on peut tout surmonter, d’accord ? », souffle-t-elle en essuyant ses larmes d’un geste tendre. Il hoche aussitôt la tête de gauche à droite, le brun, incapable de croire en ce courage qu’elle essaie de lui insuffler. Comment peut-il se relever alors que la vie s’acharne à le mettre à terre ? Comment peut-il traverser une nouvelle perte, un nouveau deuil ? Comment peut-il trouver la force d’aller de l’avant alors qu’il a tué leur enfant ? « Je ne peux pas… Pas cette fois… », souffle-t-il difficilement entre ses larmes. Se relever pour retomber. Il n’en peut plus. Il déglutit, ravalant l’acide de ses larmes qui continue d’irradier son visage et son âme. « Je veux que ça s’arrête… » Que doit-il faire pour briser cette malédiction qui continue de le suivre comme son ombre ? Comment peut-il obtenir le pardon de cet ange qui a toujours œuvré pour guérir son âme amochée ? Comment peut-elle trouver la force, le courage de le rassurer, de lui promettre des jours meilleurs alors qu’il a détruit leur univers ?