Le ciel tout autour d’elle, il était teinté uniquement de noir. Noir oppressant. Noir asphyxiant. Un noir si grand, qu’elle les décelait à peine les étoiles scintillantes pour la guider. Pour qu’elle évite de se perdre, l’oiseau aux ailes brisées. Le plumage ravagé par la cendre après qu’on l’ait brûlé dans les flammes de l’enfer. Après qu’on l’ait empêché de voler davantage. Elle n’avait plus rien pour s’envoler, l’ancienne reine de la glace. Son ancien royaume lui avait été retiré en une chute douloureuse. Une chute pour les faire exploser ses rêves grandioses. Ses désirs d’étinceler parmi tous les astres. Elle en avait été privée de cette conquête qu’elle voulait mener aux côtés du premier amour. Priam, lui aussi, elle l’avait perdu. Comme elle avait tout perdu depuis cette journée froide d’octobre. Autour d’elle, il n’y avait plus rien pour lui rappeler la beauté du monde, pour la pousser à avancer sans contempler derrière l’appel attirant des ténèbres. C’était le néant qui dominait dans son cœur. Le chaos qui régnait en maître dans sa chair. Et sa tête, elle était envahie par les terreurs incontrôlables, par les peurs grandissantes chaque fois qu’elle fermait ses paupières pour plonger dans le sommeil. Mais les yeux clos, il n’y avait que les cauchemars qui apparaissaient. Les angoisses incessantes que normalement il était le seul à pouvoir apaiser le sauveur. Nolan, il était son guerrier des étoiles, l’archange qui avait tenté de les réparer ses ailes avec des sutures précaires. C’était lui qui avait essayé de les panser les plaies de son corps malmené, qui avait construit une muraille autour de son myocarde pour le protéger. Bouclier permanent quand à l’arrivée de la lune dans le ciel, elle sentait tout l’air disparaître de ses poumons, il lui amenait de l’oxygène. L’empêchant de sombrer jusqu’à l’asphyxie. Elle lui devait la vie, quand elle peinait à survivre. Grâce à lui, dans ses bras salvateurs, elle avait parfois chassé les démons avant qu’ils ne l’attaquent. Et c’était lui qui l’avait emmené dans ce lieu apaisant pour qu’ils disparaissent définitivement les monstres. Nouveau sauvetage pour que son navire à la dérive cesse de s’échouer dans l’océan. Mais à l’autre bout du pays, il n’était plus là pour éloigner le chaos nocturne. Alors elle était terrifiée de s’endormir. Terrifiée que le diable revienne pour la hanter. C’était en marchant qu’elle avait espéré se calmer, arrêter d’imaginer des silhouettes fantomatiques qui n’existaient pas. Elle était en sécurité dans ce bâtiment barricadé où l’enfer ne pouvait pas pénétrer. Il n’y avait personne pour malmener son âme meurtrie. Mais en l’apercevant l’homme inconnu dans le noir, elle ne put pas s’empêcher de paniquer une seconde. Un instant avant de ralentir les battements de son organe vital. Parce qu’elle n’était plus habituée la bête angoissée à rencontrer de nouvelles étoiles, quand depuis des années, il n’y avait que quelques astres lumineux gravitant à ses côtés. Nolan. Milena. Atlas. Elle n’avait qu’eux pour retrouver sa stabilité. Mais elle le contempla l’ange, lisant dans ses yeux qu’il n’était pas un soldat de Satan. C’était l’inverse qu’elle lisait dans ses iris. Des iris brisées et blessées, noyées dans la tristesse. Comme elle. Elle la percevait toute la dérive de son esprit car comme elle, il tanguait. « Je n’arrivais pas à dormir non plus. Les nuits sont bien trop longues et douloureuses entre ses murs », la poupée ébréchée, elle l’observa. Elle aussi, elle ne parvenait pas à respirer convenablement dans cet univers rempli de souffrance. Elle devait se reconstruire, nettoyer ses blessures pour qu’elles cicatrisent, mais elle était toujours dissimulée la lumière nécessaire pour qu’elle se tienne debout. « Le temps paraît infini ici. Infini et triste. », aveu sincère dans un soupir. Ici, elle était seule, plus seule qu’elle ne l’avait jamais été. Et sans ses nouveaux piliers, elle ne savait pas si elle allait réussir à reconstituer chaque morceau de son être éparpillé dans le monde de Satan. « Jeremias », un léger sourire s’étira sur ses lèvres. Il n’y avait rien de violent sur son visage à l’oiseau cloué au sol. Rien qui l’incitait à reculer pour prendre la fuite. Alors elle fit un pas en avant, pas incertain pour se rapprocher légèrement. Les bras sur la poitrine, carapace tout autour d’elle, en signe de protection,  parce que le fardeau, il ne la quittait pas, il se distillait dans ses veines. Torture permanente pour lui rappeler ce qu’elle avait dû endurer à cause du bourreau démoniaque. « Si tu veux, on peut se tenir compagnie si tu le souhaites ? La nuit sera moins difficile si nous ne sommes pas seul ? », une seconde, elle hésita, figée sur place, le cœur s’accéléra à chaque mouvement de sa cage thoracique. Mais l’esprit meurtri, happé par les démons, il ne voulait pas s’en aller. Disparaître et couler dans les limbes de la solitude. « Enfin, seulement si tu en as envie… », les iris émeraude ancrées dans les siennes, elle se laissa envelopper par l’aura qu’il dégageait. Une aura attirante, qui lui rappelait le soleil et qui s’éloignait des ténèbres, malgré les fêlures qu’elle remarquait. « Avec plaisir. De toute façon je ne suis pas sûre de pouvoir réussir à dormir pour le moment….  Alors autant rester tous les deux pour soigner l’insomnie. », presque maladroitement, elle continua de marcher vers lui. Vers celui qui ne semblait pas avoir fait un pacte dangereux avec le diable. S’installant près de lui, elle détailla les traits tirés par la fatigue de l’astre. Pourtant, il n’était pas obscur. Loin de là. « Il n’y a pas si longtemps, la nuit était un joyau de ma vie. Les étoiles éclairaient ma route et la lune souriait sous mes pas. J’adorais la nuit. Aujourd’hui, elle est devenue mon pire ennemi. », les oreilles attentives, elle l’écouta, comprenant que lui aussi, il était hanté. Possédé par un mal invisible et incurable. Et la nuit, il n’y avait rien pour apaiser les souffrances. Rien pour éviter qu’elles arrivent par vague les pensées noires. « La nuit c’est impossible de chasser les démons. Ils sont là partout, à chaque fois qu’on veut se reposer, ils nous submergent un peu plus. Comment on peut voir le soleil quand il n’y a que la lune autour de nous ? », elle-même, elle ne la connaissait pas la réponse à cette question qui l’envahissait. Interrogation permanente pour savoir comment sortir de l’enfer. Comment se relever quand les monstres étaient là pour briser des membres blessés. Mais dans la tempête, elle espérait la trouver l’accalmie avec le nouvel allié.