« Bon entrainement, mon grand ! » glisse-t-il à son fils dans le couloir, alors que ce dernier est déjà plus loin, prêt à rejoindre ses copains dans le vestiaire. Le Davies reste planté de tout son long dans le hall quelques secondes durant. Chaque chose en son temps se répète-t-il. Jude lui accorde un ‘bonjour’ et un ‘au revoir’ une fois sur quatre. Ce qui est une nette augmentation vis-à-vis des mois derniers. Les instants de tendresses sont plus rares aussi. Bien qu’ils soient quelque part plus intenses. Parce que nécessaires. Vitaux. Le manque d’une mère, de sa mère est difficile à combler. Et l’adolescent, c’est en passant des instants avec ses amis qu’il semble aller mieux. Les moments père/fils sont rares. Cole se dit que c’est une nécessité pour le moment. Ça finira par évoluer. Ça finira par changer. Et il ne lui donnerait rien d’autre à présent que ce dont il a besoin. Le cadre, cependant, mérite toujours d’exister et les confrontations sont nombreuses. Fréquentes. Le père ne lâchera pas. Même s’il est difficile de se confronter constamment aux colères de l’enfant. Il a hérité cette part de lui. Il sait mieux que personne combien il souffre. Le grand brun reprend sa respiration. Une grande inspiration et voilà qu’il a déserté le centre sportif. Direction Pacific Heights.

Devant l’appartement du Harper, les tensions semblent lointaines. Elles sont simplement bien camouflées dans ses entrailles. Il ne sait pas s’il doit frapper ou sonner. Après trois coups à la porte imperceptibles, il finit par faire retentir la sonnette. « Désolé, j’espère que je n’ai pas tout foutu en l’air. » chuchote-t-il, certain de faire tout de travers. Il sait à quel point le sommeil est sensible à cette période-là de l’enfance. À toutes les périodes en fait. On n’en sort jamais. On s’habitue, surtout. Sauf si comme Cole, vous prenez la fuite en laissant l’enfant à sa mère, pensant le faire d’un commun accord et pour un mieux pour tout le monde. « Entre mon vieux, vas y ! » Nicholas l’accueille chaleureusement, comme à son habitude. C’est bon de l’avoir retrouvé depuis quelques mois. Ce n’était pas pareil, de se confier à propos de Naomi et d’Aubrey à distance. « Tu n’es pas venu avec Jude ? Comment va-t-il ? » s’inquiète-t-il, âme protectrice et rassurante qui gravite autour de lui. Cole secoue la tête à la négative. « Non, je viens de le déposer à l’entrainement de baseball et les parents d’un copain s’occupent de lui ensuite, si besoin. » explique-t-il. Il ira le chercher plus tard. Aux yeux de Cole, il passe de toute façon de meilleurs instants quand son père n’est pas dans les parages. Le visage de l’architecte se ternit ensuite quelque peu. « Il va de mieux en mieux. » répond-t-il, évasif, haussant les épaules tout en suivant son ami à travers l’appartement. Il s’installe ensuite dans le canapé. « Qu’est-ce que je te propose ? Bière ? Limonade ? Coca ? Eau ? » lui propose-t-on. « Une bière, s’il-te-plait. » accepte-t-il le plus simplement du monde. Les bières, ça passe toujours. Cole tend le bras pour attraper la bouteille ouverte par son hôte et le remercie. « Je me disais, si tu veux qu’on organise quelque chose à l’occasion entre nos p’tits gars… ça peut être sympa. » propose-t-il, se calant dans le fond de l’assise. « Ils ont l’air de s’être bien entendus à l’anniversaire de Jude. » C’était le trois août dernier. À vrai dire, ce n’est pas la première fois que les garçons passent du temps ensemble. Ils se voyaient à l’époque quand Jude passait pour les vacances. Julianne s’occupait parfois toute seule des deux têtes brûlées pendant que Nick et lui allaient faire une partie de tennis. Même avec Sophie, ils ont fait quelques activités. Pas des milliers, mais le deux jeunes ne sont pas inconnus. « Je débute aussi dans ce rôle. Ça n’a rien de facile. » rappelle-t-il. Ils sont dans le même bateau, tous les deux. Cole non-plus, il y a deux ans, il n’était pas l’ombre d’un père. Et maintenant que Naomi n’est plus là, il se doit de l’être à temps plein. « Comment ça se passe avec Mary ? ça…. te revient ? » ose-t-il dire, faisant allusion à sa précédente expérience de paternité. Il n’est pas là pour mettre les pieds dans le plat. Plutôt pour y aller en douceur tout en respectant son meilleur ami. Sans le ménager pour autant. « Et Sio ? Tu peux me le dire si elle s’est réfugiée dans un hôtel juste le temps d’une sieste. » Une sieste de cent ans. Il sourit à cette idée. Ils doivent tous les deux ne rêver de rien d’autre que d’un lit dans lequel on s’enfonce comme sur un nuage, et s’endormir sans avoir à être réveillé par les pleurs d’un nourrisson.