Depuis plusieurs semaines, c'est une épée de Damoclès que les anges des enfers portaient chacun au-dessus de leurs têtes, s'étant préparés à cette guerre qui avait fait rage et qui menaçait d'éclater à chaque instant. Au loin, ils observaient les nuages d'orage se multiplier et se rapprocher fur et à mesure des jours qui passaient, ce qui ne faisaient que d'alimenter cette tension qui était déjà palpable au sein du groupe de bikers face à ces ennemis qui avaient soif de vengeance. En quittant les abysses, ces démons sans vergogne, ni moralité, avaient agi dans la lumière pour provoquer une effroyable tempête sur cette Terre composée d'êtres vulnérables. Seulement, ça ne devait pas se passer comme ça. Cela devait être juste une belle journée ensoleillée. Ils n’auraient jamais dû s’y prendre de cette manière, en mettant en péril la vie de tous ces innocents. Ceux qui avaient vu leur quotidien subitement se transformer en un cauchemar éveillé. Les échos funestes raisonnaient de toute part, ceux qui lui avaient remémorés ses anciennes missions réalisées dans le désert irakien, touchant de nombreux corps qui étaient tombés les uns après les autres. Le chaos et la panique s'étaient rapidement emparés de l’ensemble de la ville, les Hells n'ayant pas réussi à prendre le contrôle de la situation. Emporté dans un tourbillon interstellaire, l’esprit du prince des ténèbres ne parvenait pas à se reconnecter avec la Terre. Confusion qui embrumait chacune de ses connexions, soudainement c'est la sphère tout entière qui commençait à devenir linéaire. Frôlant les rebords de ce néant qui donnait à son âme, la sensation étrange de s'être envolée jusqu’aux confins du temps. Devant ce précipice qui lui faisait face, River menait actuellement une lutte solitaire contre ce vertige, celui qu'il n'avait pas ressenti depuis plusieurs années maintenant, mais également contre la faucheuse qui le surveillait constamment. Représentant cette ombre glaçante et lugubre qui essayait à chaque occasion de l’encercler dans une ultime étreinte, afin de lui accorder ce répit éternel qu’il avait toujours tant désiré, mais qu'il n'avait jamais estimé mériter. Constellation en perdition où chacune des étoiles l'observaient avec un profond désarroi. Elles peinaient à s’étinceler correctement les petites lueurs qui veillaient d’ordinaire sur lui, celles qui tentaient de l'éloigner de cette malédiction qui le poursuivait inlassablement. Se sentant à cet instant précis, comme aspiré par une force mystique qui défiait toutes les lois de la gravité. Tandis que sa carcasse résistait du mieux qu'elle pouvait, en s'enfonçant au fond de ce brancard dans lequel il avait été installé en urgence, étant resté trop longtemps contre ce bitume qu’il connaissait par cœur. Celui qui lui avait tendu les bras lorsque son corps s’était effondré après la détonation de l’ennemi. Les ronces épineuses qui le reliaient à ce sol à travers un serment invisible, reflétaient cette noirceur qui défiait constamment les dieux. Eloignant le viking de cette mer qu'il avait fini par quitter pour prêter allégeance aux limbes profondes. Les lumières semblaient crépiter au-dessus de sa tête, intermittence guidée par le clignement de ses pupilles, elles étaient ce lien vital qui le reconnectait avec la réalité. Agressant ses iris qui étaient devenues sombres, teinte bleutée qui s'était envolée avec la balle qui était logée dans sa chair. Océan qui était d’un calme olympien, sans aucune vague pour venir troubler ses prunelles qui étaient en train de s’éteindre. River n'avait pas pleinement conscience de toute l’agitation qui était autour de lui, se contentant juste de lutter contre ce voyage qu’il n’avait pas prévu de réaliser, celui auquel il n’était pas préparé. Aussi surprenant que ça pouvait l’être, le Nielsen s’accrochait. Ayant l’esprit qui divaguait, il avait momentanément transformé sa brutale réalité en quelque chose de plus doux. S’accrochant de toutes ses forces à ces petites lucioles qui s’envolaient devant lui et qui réalisaient un ballet qui le captivait. Celles qui le ranimaient à chaque fois qu'il ouvrait les yeux, mais surtout il se laissait bercé par la voix de celle qu’il appelait autrefois son âme sœur et qui le maintenait éveillé. La flagrance de son parfum s’était accrochée au tissu de son tee-shirt immaculé d'hémoglobine qui troublait actuellement tous ses sens. Ces effluves qui faisaient de nouveau battre ce palpitant qui était resté bien trop longtemps à l'arrêt. Glace qui entamait un processus de fonte accéléré autour de ce cœur épuisé, il ressentait une certaine chaleur l’envelopper et qui le raccrochait tout simplement à la vie. La jeune femme resserra sa main autour de la sienne, celle qu’elle n’avait pas lâché, force qu’elle lui transmettait à travers ce geste qui semblait anodin, mais qui lui était à présent vital. « The-... Thea... » Le viking articula son prénom avec difficulté, celui qu’il avait prononcé lorsqu'il l'avait vu apparaître de nulle part, complètement désorientée, et qu’il n’avait pas chuchoté depuis plusieurs années. Ce prénom qui lui écorchait le cœur, autant qu'il l'avait réparé. Main d’or qui encerclait sa main d’asphalte, contact électrique qui circulait dans ses veines, c’est le feu qui rencontrait la glace, l’eau qui avait fini par submerger les flammes. Seulement, elle n’avait jamais réussi à faire disparaître les couleurs de ce brasier qui semblait quant à lui infini. « Madame Nielsen, je vais devoir vous demander de rester ici. » s’exprima le médecin lorsqu’ils eurent atteint le couloir où se trouvait le bloc opératoire. N'ayant pas réussi à séparer les deux ex-amants maudits, la Stark ayant trouvé un subterfuge pour pouvoir rester à ses côtés durant tout le trajet depuis le centre de la ville. Ces deux ex-amants maudits qui semblaient encore accrochés l’un à l’autre comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. « Reste. » souffla-t-il faiblement, lorsque leurs mains se séparèrent à contre-cœur. Ne pars, je t’en supplie, cette fois reste avec moi. Face aux émeraudes de la danseuse, les iris du Nielsen devinèrent pendant une demi-seconde de nouveau incandescentes, avant de disparaître de son champ de vision, les portes se refermant aussitôt derrière-lui.