La relation entre Ophelia et Elliott est plus que fragile et compliquée en ce moment. Selon l’avocat, ça a commencé le week-end dernier alors que Ophelia passait le week-end avec lui et les enfants. Un évènement qui reste rare mais qui s’installe doucement. Le père ne veut pas brusquer ses enfants avec sa nouvelle relation, et la capitaine est d’accord avec lui à ce sujet. Ophelia a donc été introduite petit à petit, en douceur, bien après que la séparation de leurs parents ait été intégrée par les enfants. Mais il y a eu cette altercation entre Charles et la Price. Un avion, jouet du garçon, qui a atterri dans la figure de la brune. Alerté par le ton de sa petite amie qui est monté et les pleurs du petit garçon, la seule qu’il a écouté était Lily. Selon Ophelia, le geste du gamin était intentionnel et il allait de soit que sa grande sœur allait le défendre. Le Townsend, lui, a pensé que c’était Ophelia l’adulte dans l’histoire et que ça aurait dû être à elle de mesurer sa réaction et ne pas hausser le ton sur Charles. Il lui a demandé de partir. Elle a pris son chien et a passé le pas de la porte sans se retourner. C’était il y a quatre jours et ils ne se sont plus parlé depuis. Il a espéré, Elliott, que la Price range sa fierté et que ce soit elle qui fasse le premier pas dans sa direction, mais ce n’est pas arrivé.

Une notification sur l’écran de son téléphone lui rappelle la veille cet évènement dans l’agenda. Un souper chez des amis qu’il a en commun avec Ophelia. Daniel et Emily, ils les connaissent depuis le lycée. Ils se sont dit que ce serait une bonne chose de commencer pas eux pour une première soirée en commun chez des amis. Jusqu’ici, chacun poursuivait sa petite vie de son côté, sans y mêler l’autre. En dehors de tout ce qui les concernait tous les deux, de leurs moments amoureux en tête à tête. Daniel et Emily ont presque sauté de joie quand ils ont appris que les tourtereaux s’étaient remis ensemble. Entrainant le couple dans leur engouement, ils se sont laissé tenter par l’idée d’un repas tous les quatre. Alors ce matin, il pensait bien recevoir un message de la Price. Mais cette dernière a la rancune tenace. Alors après le lunch, Elliott a décidé de montrer patte blanche en envoyant un message bref et concis. C’est bon pour toi si je passe te chercher à 19h ? Comme ils n’en avaient pas reparlé, il a supposé que c’était toujours d’actualité pour la pompier, comme ça l’était pour lui. La réponse ne s’est pas fait attendre, marquée par un accord tout aussi bref. C’est en grognant qu’il a reposé son téléphone sur son bureau, tout en se demandant comment cette soirée allait bien pouvoir se passer dans ces conditions.

Et il avait raison de s’inquiéter, le Townsend, car ce ne fut pas agréable pour eux, et encore moins pour leurs hôtes. S’ils n’avaient été que tous les deux, Elliott aurait quitté la soirée avant l’heure, las de toutes les piques que Ophelia lui a envoyées. La bienséance aura eu raison de lui et il a tant bien que mal tenté de garder la face devant leurs amis. Il ne s’est pas laissé démonté, avocat habitué à bien pire, et n’a pas manqué de renvoyer à Ophelia la monnaie de sa pièce. Mais plus les mots s’enchainaient, plus les idées s’embrouillaient. Celles du genre : mais qu’est-ce que je fous là ? qu’est-ce que je fous avec elle ? c’est ça ma vie, maintenant, sérieusement ? Des questions liées à Ophelia et à cette situation, mais qui ne sont que la partie visible d’un iceberg bien plus ancré dans un océan qui le submerge peu à peu, le Townsend. « Dis-moi, Ophé, tous nos repas entre amis vont se passer comme ça ? » Elliott vient briser le silence qui règne dans l’habitacle sur le chemin du retour. Il faut qu’il sache si la prochaine fois il doit enfiler un gilet pare-balles pour survivre. Quel était le but au fond ? Le diminuer devant leurs amis ? Les piques n’ont cessé de voler dans tous les sens et si à ses yeux, c’est Ophelia qui a mis le feu aux poudres, il se pourrait très bien que ça ait été lui, en fait. Il n’y mettrait pas sa main à couper. Mais parmi toutes les piques, celle à propos de son divorce qui n’a pas encore été prononcé et qui, aux yeux d’Ophelia, les empêche d’avancer dans une quelconque direction, lui restes encore en travers de la gorge. S’il ne s’était pas senti poignardé, il aurait pu admettre qu’il est vrai qu’il doit faire avancer les choses sur ce plan-là. Mais c’est trop difficile d’aborder ce sujet avec Julia. En outre parce qu’il s’agirait de signer un échec, il ne souhaite pas ajouter un poids à la maladie de sa femme. La culpabilité le ronge de toutes parts depuis qu’il a appris la vérité. Car c’est lorsqu’il s’est senti délivré de ce poids qu’il a couru tout droit vers la Price. Et Julia a eu bien plus à gérer depuis, comme le fait d’appartenir biologiquement à une autre famille que la sienne quand la famille qu’elle a elle-même fondé vole elle aussi en éclats. Si leur séparation était actée, il a l’impression qu’il mettrait le coup final qui briserait le vase. Alors tant que la Harper ne met pas le divorce sur le tapis, il la laisse tranquile. Elliott soupire lourdement. Cette tension avec Ophelia vient s’ajouter à tout le reste. Il n’a pas besoin de ce problème-là dans sa vie en ce moment.

Il a retrouvé une forme de bonheur depuis l’été deux-mille-vingt-et-un, Elliott. Depuis qu’il a retrouvé son amour de toujours et qu’il a pu lui exprimer ses sentiments. Et cette bulle de bonheur, cette dose d’euphorie et de plénitude, il pensait que ça suffirait à occulter le reste. Mais la vie ne cesse de tourner, le temps de s’écouler, et tout finit par nous rattraper à un moment ou l’autre. Petit à petit, il a vu ses enfants le regarder avec une pointe de circonspection dans l’iris, sur leurs gardes, devant un père plus amoureux de cette femme qu’il ne l’a jamais été de leur mère. S’investissant pleinement dans une relation plus vraie que ce qu’ils n’ont jamais touché avec leur géniteur. Le Townsend, il ne se rend jamais compte de ces choses-là, parce qu’il n’y prête pas attention. Parce qu’il ne sait pas qu’il faut poser des mots dessus. Parce qu’il ne se doute pas que Lily et Charles ont besoin d’être accompagnés dans ces changements. Il sait que c’est bouleversant pour eux de changer de rythme, de ne plus voir leurs parents sous le même toit, que la séparation est réelle pour eux aussi. Mais il se dit que ça s’arrête là, qu’il n’y a pas plus à chercher. Et pourtant, l’avocat se leurre sur tous les points. Il y a des réactions qu’il ne comprend pas, d’autres qu’il pardonne, certaines pour lesquelles il est évident qu’ils n’y sont pour rien. De la part d’Ophelia, il attend des excuses. Celles-ci ne se bousculent pourtant pas aux lèvres de la brune. Il sait pertinemment que cette femme a la rancune tenace et qu’elle ne sera pas la première à mettre sa fierté de côté. Ils en ont fait les frais il y a vingt ans et, si leurs vies sont constituées de regrets, ils ne semblent pas avoir appris de leurs erreurs.

L’intérieur de l’habitacle est glacial. À l’image de la météo qui s’installe sur la ville depuis des jours. Si il pouvait, est-ce qu’il reviendrait en arrière pour avoir une discussion avec la Price avant de se rendre chez leurs amis. Quelques jours plus tôt, peut-être, mais pas le jour-même. Et puis rien n’est moins sûr, car cette conversation, il ne veut pas l’avoir. « Jusqu'à temps que tu arrêtes de me prendre pour une imbécile. » Elle ne le regarde pas, fixe la route attentivement, distante. Les sourcils de l’avocat se froncent le temps d’un instant. Ils sont à mille lieues de la discussion qu’il pensait qu’ils devraient avoir. « Elia m'a tout dit. » dévoile la Price, tournant le visage vers lui, certainement pour ne pas avoir à deviner les expressions de l’homme pris au piège. La mâchoire se serre. Il en veut instantanément à Elia de ne pas avoir gardé sa langue sans sa poche. Sans même se remettre en question quant au fait qu’il avait eu tout le temps pour en discuter avec Ophelia directement. « Je vois pas ce que j’ai à t’apprendre de plus, si elle t’a tout dit. » se ferme-t-il, en miroir des émotions transmises par la belle tigresse. Ce n’est pas qu’il la prend pour une imbécile. C’est la communication qui est difficile en ce moment. Alors comment venir avec un sujet comme celui-là sur le tapis ? C’est vrai, il n’a pas été capable de lui dire qu’il avait été mis en dehors du cabinet par son associée et que, pour ne pas dire les choses autrement, elle lui a demandé de prendre un congé. Elia a été claire à ce sujet, lui imposant de prendre ses distances avec le cabinet tant qu’il ne se prenait pas en main. Et connaissant Elliott, il ne s’est pas pris en main. Et voilà une bonne dizaine de jours qu’il erre sans but, sans avouer à son entourage que ses journées ne sont plus occupées que par du vide. Echec professionnel cuisant qui l’a cloué au sol. Il a joué sa réputation et perdu l’un de leurs meilleurs clients. Si Elia n’e pas réussi à mettre une négociation en place, c’est même l’avenir du cabinet qui est en jeu. La Lennox-Baxter ne veut rien lui dire à ce sujet et quand il a tenté de passer au bureau, il a remarqué que son pass ne lui permettait plus qu’un accès limité aux différents étages. Plutôt que de faire un scandale dans les couloirs qui portent son nom, il s’en est allé crier sa rage ailleurs. Le constat, il a dû le poser : rien ne lui réussit plus et tout plonge de manière vertigineuse dans des abysses sans fin. Sa relation avec Ophelia ne fait pas exception. « Qu’est-ce que tu attends de moi Ophelia ? Parce que je t’avoue que je ne sais plus ce que je dois faire pour répondre à tes attentes. » s’emporte-t-il, cachant derrière quelque chose de plus gros encore ce qui le ronge réellement. L’homme noie le poisson sans se l’avouer alors que son égo fait surface. « Tu veux savoir pourquoi je t’en ai pas parlé ? » pose-t-il de manière rhétorique. « Parce que tu n’inspires pas la confiance ces derniers temps. J’ai l’impression que tu notes tous mes faux pas et que tu t’en serviras à la seconde où tu auras décidé de mettre un terme à notre histoire. » Tout est rejeté sur celle qui l’aime et qui l’a fait tenir ses derniers mois, malgré tout. Aujourd’hui, pourtant, ça a l’air plus facile de se dire que –ça aussi– ça part en vrille. « Parce que ça nous pend au nez, n’est-ce pas ? » la provoque-t-il, venant chercher la petite bête. Les mots qu’il attend font cependant opposition à ces idées noires. Elliott a besoin d’être rassuré, qu’elle lui prouve qu’il y a encore une chose à laquelle il peut tenir, et qu’il ne s’agit ni plus ni moins de leur histoire. Le visage de l’homme bascule de la gauche vers la droite, l’émail des dents qui s’use à mesure qu’il serre encore et encore ses muscles. En réalité, tout, absolument tout, est prêt à exploser et se décomposer à la fois en lui.

Naviguant entre la colère et la peur, il est clair que le Townsend ne distingue pas les choses correctement. Il navigue, à court d’oxygène, certain qu’un cercueil l’attend quelque part. Il a déjà entendu plusieurs théories sur les disputes. Il y a ceux qui disent que l’on n’est jamais plus honnête que lorsqu’on laisse les émotions qui nous submergent s’exprimer. D’autres disent qu’il n’y a pas pire moment pour que les mots dépassent la pensée. Et la frontière entre les deux n'est pas mince. Il y a un gouffre. Et de ce fossé, Elliott s’y sent au précipice. Il ne sait pas s’il pense ce qu’il dit, mais une chose est certaine, c’est qu’il faut que ça sorte. L’homme blessé déclare ses peurs, maladroitement. Vivre sans elle ? C’est tout ce qu’il ne veut pas. Mais si ça devait arriver, il souhaiterait être prêt. Il souhaiterait être prévenu. Être prêt à encaisser une douleur supplémentaire. Et Dieu sait à quel point ce serait le plus douloureux des maux à encaisser. La réponse de la brune est cependant le silence. De quoi déconcerter l’avocat. Il la scrute du coin de l’œil. La connaissant, il s’attendait au moins à une réaction. Un petit quelque chose. Une relance. Rien ne vient. À un tel point qu’il se questionne lui-même sur ses paroles. Il mériterait vraiment qu’on lui mette sur le nez les lunettes de quelqu’un d’autre pour se voir. « Je ne veux pas que ça s'arrête, Elliott, contrairement à ce que tu penses... Tu crois vraiment que je me serais lancée dans cette histoire, après vingt ans, pour abandonner maintenant ? » finit-elle par lui dire. Et c’est bien au-delà de tout ce qu’il avait imaginé comme mots sortant d’entre ses lèvres dans une situation comme celle-ci. « J'aurais préféré l'apprendre de toi que d'Elia... Et franchement, si tu ne me parles pas, je ne sais pas ce que je peux faire pour t'aider. » Ophelia marque des points. Sans enfoncer le Townsend pour autant. Une vérité qui est douce n’est cependant pas plus facile à avaler. Il a complètement merdé, il le sait. « Dis-moi ce que je peux faire. » La main est tendue, regard tourné vers lui. Elliott ne peut détourner le regard, sous peine de craquer. C’est alors un réflexe ancestral qui prend le dessus. « Rien. Qu’est-ce que tu veux faire ? T’as pas fait d’études pour devenir avocate à ce que je sache. » rétorque-t-il, acerbe. L’homme ferme les yeux un court instant. Le temps d’une inspiration. Le temps de se rendre compte de ce qui vient de sortir de sa bouche. Il tourne le volant pour se déporter sur le côté droit de la route. Il finit par s’arrêter et couper le moteur. « Je suis désolé. C’est pas ce que je voulais dire. » s’excuse-t-il, les mains encore sur le volant. « C’est juste que… » Il laisserait presque sa tête retomber contre le cuir du volant. Son regard se baisse et cherche à s’enfuir plus bas que terre. « C’est la première fois que j’échoue.. De la sorte. » La première fois depuis vingt-cinq ans. Et sur de multiples plans. La dernière fois qu’il avait ressenti cela, le Townsend, c’était lorsqu’il avait perdu le cœur de la Price dans cet incendie. Et le simple souvenir de cette période lui donne des sueurs froides. Il ne peut pas s’empêcher de penser que l’ironie est bien belle, qu’il a tout fait pour lui correspondre, pour être à l’image de ce qu’elle voulait de lui quand ils étaient jeunes. Et maintenant qu’ils peuvent à nouveau être ensemble, il n’est déjà plus rien de tout cela. Devrait-il envisager de travailler dans cette quincaillerie comme lorsqu’il avait vingt-quatre ans ? « J’ai l’impression qu’on me demande de faire un choix entre être avec toi ou briller dans ce que je fais. C’est pas juste pour toi, je sais. Tu es bien plus que cette simple comparaison. » Mais c’est ce qu’il ressent en ce moment. « J’ai aucune idée de comment réparer le merdier dans lequel je me suis foutu avec ce client, et complètement incapable de penser correctement en ce moment. » Les aveux sont difficiles et chaque mot lui écorche la gorge comme s’il crachait des lames de rasoir. « À chaque fois que je veux réfléchir à un problème que je devrais régler, j’ai l’impression de boire la tasse. » C’est la meilleurs image qu’il a trouvé pour exprimer qu’il ne sait pas par quel bout commencer. Que chaque sujet lui semble être une montagne infranchissable. Alors c’est vrai, pour le moment, c’est plus facile de se laisser engloutir par les coussins du fauteuil toute la journée. Et de ne pas parler de tout ça à Ophelia. Pour ne pas qu’elle le voit tel qu’il est ces derniers temps.

L’homme devient enfant fragile et fébrile. Dans son esprit ne raisonne qu’une seule issue : il va finir par perdre Ophelia. Il finira par la perdre parce qu’il a perdu tout ce qu’il tenait du bout des doigts jusqu’ici. Une fraternité qui se dégrade mois après mois avec Samuel. Un mariage qui a volé en éclats, révélé par un adultère alors que tout s’effritait déjà. L’incapacité d’être présent et d’accompagner son ex-femme alors qu’une saleté de maladie la dévore à petit feu. L’incompétence dont il a fait preuve en plein milieu d’un tribunal, ridiculisé par des lois avec lesquelles il joue habituellement. Tout ça pour quoi ? Parce qu’il l’a choisie elle ? Parce qu’une putain de malédiction règne au-dessus de leurs têtes ? Évidemment qu’Ophelia sera la suivante. La prochaine à perdre sur la liste. Pour qu’il ne reste que lui face à ses tourments. Ses enfants ? Il n’ose l’imaginer. Contre toute attente, c’est auprès d’eux qu’il trouve du réconfort. C’est en passant des moments à leurs côtés que les minutes se font plus douces, plus agréables. Eliott est résolu, prêt à ce que le gong de fin résonne concernant son histoire avec la Price. Dans ce climat d’engrenage installé bien des années plus tôt, où l’un a toujours surenchéri sur les paroles de l’autre, Ophelia trouve pourtant la sagesse du silence. La sagesse de ne pas aller plus loin. La force de ne pas les précipiter dans le gouffre. Conscient ou non, Elliott finit par le remarquer et se rendre compte qu’il est temps de déposer les armes. Même si ce n’est que pour quelques minutes. La tempête intérieure souffle toujours mais une certaine forme de calme semble être venu taire les bruits parasites. La tornade tourne sur elle-même alors que le silence prend de la place. La langue de l’avocat se délie pour sortir des excuses auxquelles sa compagne se joint. Les explications sont floues, complexes, le reflet du désordre intérieur avec lequel il bataille quotidiennement. « Peut-être que… Tu devrais en parler à quelqu’un de compétent ? Je peux être présente à mon échelle, bien sûr, mais je n’ai sûrement pas la solution miracle pour toi. » Les sources du Townsend froncent légèrement sur le front ridé. Qu’est-ce que ça veut dire, en parler à quelqu’un de compétent ? À qui ? Un collègue qui comprendrait ? Le grand garçon fait exprès de ne pas comprendre. Pas encore. Pour se sauver en se voilant la face encore un peu. « Est-ce que tu veux toujours être avocat, Elliott ? Te sentais-tu seulement heureux à l’idée au travail ? » Elliott se tait encore bien que la question, cette fois, est réellement relevée par son esprit. Il n’est pourtant pas capable de répondre à cette question, parce que ça lui demanderait des heures d’introspection avant d’en arriver là. Et ça ne fait pas partie des questions qu’il a voulu se poser jusque’à présent. Il préfère éviter. Son regard retrouve celui d’Ophelia qui a l’air plus détendue bien que concernée par son état. « Je sais que tu ne l’as jamais désiré, au fond… » Elliott secoue la tête. Principalement parce que ça le ramène à ce qui a entrainé leur chute, le drame. Cet évènement qui a marqué à tout jamais la peau de la Price. « Je sais aussi que je n’ai pas été une compagne exemplaire, qu’on est bien loin d’être le couple parfait, mais si quoi que ce soit te rend malheureux, peut-être que tu devrais y mettre un terme… » Le regard devient plus triste alors qu’il s’apprête à répondre. « C’est tout ce que je suis, et crois-moi contrairement à ce que tu as pu voir ces derniers temps, je suis vraiment le meilleur dans le domaine. Enfin, je l’étais… » Il est descendu de son piédestal à présent. Son esprit s’envole vers Brower, ce satané avocat qui ne devait attendre que ça pour passer devant et lui voler la vedette. Puis il revient à Ophe. « Et j’aimais ça. Sans toi, je ne serais jamais devenu l’avocat que je suis et à l’époque, ça m’a aidé d’avoir un objectif aussi gros que celui-là… pour passer à autre chose. » ça l’a aidé, de se concentrer sur autre chose, d’avoir quelque chose à atteindre. Et c’était encore plus motivant que de savoir que ça avait été insufflé par Ophe. Evidemment qu’il pensait à l’époque qu’en y arrivant, il parviendrait à la récupérer. Il lui aura fallu vingt années de plus pour oser le lui révéler. «  Ça  m’a aussi énormément coûté en temps. En moments passés avec mes enfants. » C’est la première fois qu’un regret de telle sorte passe les lippes du Townsend. La première fois qu’il se rend compte, lui aussi, et admet que ces efforts n’ont pas été sans sacrifices. Il avoue que c’est une part qui lui manque, des regrets qui le rongent. « Je ne suis pas sûr de savoir si tu m’aimerais si je n’étais plus cet homme-là. C’est pour ça que je ne t’ai rien dit. » Il ne l’avait pas identifié jusqu’ici, mais il est évident maintenant que l’une des raisons se cache là-dessous. « Tu ne me rends pas malheureux, Ophe. Pas plus que mon boulot d’ailleurs. C’est juste une accumulation d’erreurs et de faux pas qui me sautent à la gueule. Ça passera. » Il n’en est pas convaincu mais il espère la convaincre elle. Pour appuyer ses paroles, ses doigts viennent rejoindre ceux que la brune a posé sur sa cuisse.