castle in the snow
 (14 janvier 2023) w/ @abel montgomery

Apprendre à skier. Encore une idée de Eamon. Un souhait sur sa liste qu’ils n’ont pas pu réaliser de son vivant. Le leur aurait-il demandé un jour ? Ou l’auraient-ils fait d’eux-mêmes ? Noelia ne sait pas skier, alors il y a peu de chances que l’idée aurait émané d’elle. La voilà pourtant coincée dans ce bus, à tenter de prendre le moins de place possible pour laisser la liberté de mouvements à l’armoire à glace qui est assise sur le siège d’à côté. Elle ose jeter un coup d’œil vers le Montgomery. Il a toujours cet air bougon. Pour cette fois, elle lui laisse tout le loisir de râler car il est vrai qu’il n’y a rien d’agréable dans ce trajet en car. Pourquoi ont-ils choisi cette option, d’ailleurs ? La blonde jette un coup d’œil à sa montre. Le trajet lui parait plus long qu’annoncé. Et pour cause, la neige qui tombe en rafales leur empêche de progresser à une allure normale. Elle n’ose imaginer à quel point les températures négatives sont tombées dehors. Et voilà qu’elle se demande, encore, ce qui l’a poussé à réaliser ce souhait. L’idée est venue d’elle, pourtant, et la réservation a été prise il y a des semaines. À une époque où le froid ne s’était pas abattu sur la Californie et où l’ambiance n’était pas de glace entre Abel et elle. Cependant, ce rendez-vous lui tient à cœur et elle doit avouer qu’elle a décompté les jours. À Elizabeth, elle explique à quel point c’est important pour elle. À quel point elle revit depuis que son fils la fait avancer à travers ces souhaits couchés sur papier. Une aubaine, la lumière au bout du tunnel pour cette mère meurtrie. Et est-ce qu’elle les réaliserait sans Abel à ses côtés ? Non. Elle a le sentiment que ça leur appartient à tous les deux. Que ça les unit, comme les unissait leur fils. ET ça lui fait du bien de se sentir rattachée à une part de Eamon.

Le car s’arrête, faisant taire les quelques passagers qui mettaient l’ambiance. Le regard de l’Australienne se tourne instinctivement vers l’homme qui l’accompagne. Sans lui adresser plus de mots qu’ils ne se sont adressés depuis qu’ils sont montés à bord, elle comprend que comme elle, il ne sait pas ce qui se trame. « J'suis désolé messieurs, dames, je crains qu'on ne soit totalement bloqués mais vous inquiétez pas, il y a un petit chalet à deux pas qui devrait tous pouvoir vous accueillir pendant que la tempête se calme... » Le regard de Noelia se tourne vers la vitre et elle constate qu’on n’y voit pas à deux mètres dehors. Un frisson lui parcourt les membres. « Même si je n’ai pas très envie de m’aventurer dehors, je pense effectivement que nous y serons plus à l’abris qu’en plein milieu de la route. » constate-t-elle à voix haute. Elle attrape son sac et sa grosse veste qu’elle avait déposés sur les rails au-dessus de leurs têtes et passe devant Abel une fois qu’il a ouvert la voie pour elle. « Tu penses qu’on doit prendre nos bagages ? » s’inquiète-t-elle. Il n’est pas encore midi, mais avec une tempête de ce genre, qui sait pour combien de temps ils en auront ?

castle in the snow
(14 janvier 2023)
@Noelia Rose
Janvier n’avait jamais été le mois fétiche du Montgomery. En effet, ce début d’année se faisait encore morose malgré l’ensoleillement dont bénéficie San Francisco à longueur d’année. Coincé dans ce car, les bras croisés sur sa poitrine, il se demande encore d’où était venu cet élan d’acceptation lorsque la Rose lui avait proposé ce séjour au ski. Bien entendu, il le savait. Encore et toujours, cette sortie de sa zone de confort lui venait des souhaits de son fils décédé. La bucketlist d’Eamon semblait avoir été un facteur déterminant dans ces dernières prises de décisions. Cependant, il n’était pas certain que cela soit une bonne chose. Il n’y avait qu’à remarquer le parfum fleuri de la jeune femme à ses côtés, ce dernier n’aidait pas à apaiser le tourbillon de ses pensées. Et au fond de lui, il savait que les écrits de son adolescent n’avaient fait que maintenir à flots les sentiments qu’il éprouvait pour l’australienne. Même s’il restait persuadé que le sort qu’elle lui avait jeté n’aurait pas de date d’expiration, il aurait été reconnaissant de les voir s’amoindrir au fil des mois. Pour moins souffrir de la voir avec quelqu’un d’autre. Il ne la voyait pas au sens littéral, mais le savoir puis imaginer son sourire amoureux en direction d’une autre, tout cela était la recette idéale pour voir son myocarde réduit en poussière. Cependant, lorsqu’elle l’avait embarqué dans cette aventure glaciale, il n’avait pas pu refuser. Il était facile de se cacher derrière l’excuse de cette liste manuscrite laissée par leur enfant. La réalité étant qu’il se plierait en quatre pour chacun des sourires pleins d’espoir de l’assistante de direction. « J'suis désolé messieurs, dames, je crains qu'on ne soit totalement bloqués mais vous inquiétez pas, il y a un petit chalet à deux pas qui devrait tous pouvoir vous accueillir pendant que la tempête se calme... » Les mots de leur accompagnateur firent hausser les sourcils maussades de l’anthropologue, puis ce fut un soupir qui s’extirpa d’entre ses lèvres. Une aventure comme celle-ci sans embûches, où serait l’amusement ? La palme de l’être le plus loquace lui était, une nouvelle fois, desservie. Silencieux, il se dégagea du siège étroit qui retenait sa carcasse prisonnière. Il s’affubla de sa veste. « Même si je n’ai pas très envie de m’aventurer dehors, je pense effectivement que nous y serons plus à l'abri qu’en plein milieu de la route. » La voix de son ex-conjointe attira son attention et il baissa ses prunelles sur son visage aux traits fins.  « Oui, autant en profiter pour se protéger du froid, ne pas jouer aux courageux et se mettre en sécurité. », dit-il en hochant la tête. Debout dans le couloir du car, il lui laissa la place pour s’habiller à son tour. Il entendit un grommellement derrière lui. Il se tourna et lança un regard de biais à la personne qui semblait s’impatienter. Tout le monde descendrait, il n’y avait pas de raison de commencer à s'irriter de la sorte.  « Tu penses qu’on doit prendre nos bagages ? », lui demanda-t-elle et il se relaxa légèrement. « Ce ne serait pas une mauvaise idée, si on peut y accéder. », répondit-il sans grande conviction. Après tout, vu la visibilité de l’extérieur, le chauffeur ne prendrait peut-être pas le risque d’ouvrir les compartiments qui renfermait leurs effets personnels. Il laissa la jeune femme passer devant lui et ils claudiquérent jusqu’à la sortie où un vent glacial les accueillit. Dans un geste familier et naturel, il resta aux côtés de la blonde de façon à ce que son corps puisse faire barrage contre la tempête. Du mieux qu’il le pouvait tout du moins. « Il n’y a pas possibilité d’accéder à nos affaires. », lui indiqua-t-il en faisant un signe de tête en direction du responsable du séjour faisant des grands gestes négatifs et invitant toutes les personnes présentes à se diriger vers le chalet. Sans grande surprise, la neige n’avait pas tarit au cours de la journée. Il semblait, même, qu’elle avait redoublé en intensité. Par chance, des chambres étaient encore disponibles et le petit groupe avait réussi à être logé. On leur avait, aussi, distribué de quoi manger et chacun avait été libre de ramener tout cela dans leur chambre. En entrant dans la pièce qui les accueillerait pour la nuit, il ne put s’empêcher de ressentir une certaine gêne. Il prit, intérieurement, la décision de s’installer sur le canapé adjacent au lit. Peut-être était-ce stupide de sa part, mais il n’était pas persuadé d’avoir la force de partager les mêmes draps que la Rose. « Première journée haute en couleurs, tu ne trouves pas ? », pointa-t-il en déposant sa veste sur le dossier d’une chaise, ainsi que leur nourriture sur la table qui devait servir de bureau. « Eamon trouverait ça tordant. », ajouta-t-il en imaginant la réaction de leur adolescent, s’il avait été présent. Le professeur avait souvent eu l’habitude des imprévus au cours de ses voyages, mais ces derniers n’avaient jamais eu la même signification. Il se sentait un peu gauche, au beau milieu de cette pièce.

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 (14 janvier 2023) w/ @abel montgomery

Juste avant que la tempête ne redouble de ferveur, l’ensemble des voyageurs ont le temps de trouver refuge dans cette auberge qui, par chance, est assez grande pour tous les accueillir. Le verdict tombe assez vite : ils ne reprendront pas la route de sitôt et doivent s’apprêter à passer la nuit sur place. C’est l’anarchie au comptoir de l’accueil et à vrai dire, Abel et elle préfèrent laisser les personnes pressées devant eux. Ils ne sont de toute façon pas là pour décocher la meilleure chambre de l’hôtel. La Rose passe une partie de la journée à regarder dehors, espérant tout de même que la tempête s’apaise. En vain. Entre deux bourrasques, elle a remarqué que Abel avait rejoint un petit groupe qui jouait aux cartes. Surprise par cet élan social de la part du Montgomery, elle sourit et le rejoint pour observer par-dessus son épaule le jeu auquel il participe. Il lui a ensuite appris le jeu et l’a épaulé le temps d’une partie ou deux avant qu’elle ne se mêle aux autres en tant que nouveau membre à part entière. Les heures sont passées et on a fini par les appeler pour leur attribuer une chambre. À l’heure du repas, ils leur ont expliqué que le restaurant ne pouvait tous les accueillir et qu’il allait falloir faire preuve de patience mais que tous auraient un repas, à déguster en chambre.

Noelia patiente que Abel revienne avec leurs plateaux repas, faisant rapidement le tour de leur chambre. Elle attrape la télécommande du téléviseur et appuie sur les différents boutons pour la mettre en marche et changer de chaine. C’est identique sur tous les numéros : le réseau de passe pas. Tout comme son réseau de téléphone. Impossible de prévenir Liz. L’Australienne soupire avant de se laisser tomber sur le petit canapé au bout du lit. Le cliquetis de la porte de la chambre se fait entendre. C’est le Montgomery qui arrive les bras chargés. « Oh, merci beaucoup. Qu’est-ce qu’ils ont préparé de bon ? Il y en avait assez pour tout le monde ? » demande-t-elle tout en faisant de la place sur le bureau, déplaçant les quelques objets qu’il y avaient déposé. Ce n’est pas un palace et ils pourraient très vite avoir l’impression de se marcher dessus. « Première journée haute en couleurs, tu ne trouves pas ? » fait-il remarquer. C’est peu dire se dit-elle. « Eamon trouverait ça tordant. » ajoute-t-il avant de prendre place. « Tu ne crois pas que Eamon nous tiendrait pour responsables d’une journée de ski en moins ? Je dois avouer que moi, ça ne me déplait pas de l’éviter un peu. Mais lui… » Elle hausse les sourcils en la direction de son ex. « Je me demande comment nous l’aurions contenu à l’intérieur avec toute cette neige si tentante dehors. » exprime-t-elle, imaginant le garçon trépignant d’impatience pour aller faire une bataille de boules de neige. « Bon appétit. » lui adresse-t-elle en prenant place à ses côtés. Le silence lorsqu’ils mangent est quelque peu pesant et elle voir Abel chercher la télécommande, certainement pour mettre un poste de musique. « La télévision ne fonctionne pas, la tempête doit empêcher le signal de passer. » suppose-t-elle. Et la soirée risque d’être longue, s’ils ne tranchent pas dans les sujets qui les maintiennent dans ce mutisme. Après quelques nouvelles bouchées, Noelia décide de se lancer. « Je… » elle hésite. Marque une pause. « On ne s’est plus parlé depuis… la plage, et depuis Liz. Je crois que tu as été pas mal occupé depuis… » ça sonne comme un reproche, parce que s’en est un. Elle aurait aimé avoir de ses nouvelles, savoir qu’elle serait la suite possible. Même si à vrai dire, elle n’aurait pas su comment réagir. Des regrets, elle n’a que ça, mais ça l’a en même temps poussé vers Liz et vers cette belle histoire qu’elles sont en train de créer. Six mois de bonheur et de légèreté, ce n’est pas rien. Mais pourquoi faut-il que cela soit sans la présence du Montgomery dans sa vie ? « Je… Je suis désolée d’être partie après ce baiser. C’est juste que… c’était trop compliqué. » Trop. Beaucoup trop. La blonde s’excuse en premier, parce qu’après tout, elle n’a rien fait non-plus pour mettre fin au silence radio. Mais c’était trop d’émotions. Trop de sentiments. Un torrent de choses diverses et contraires qui convergent tout à la fois vers le même endroit. Il comprend, n’est-ce pas. Noelia relève un regard désolé vers le brun. Qu’auraient-ils pu faire d’autre ? ça s’est passé comme ça s’est passé, après tout.

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(14 janvier 2023)
@Noelia Rose

Le début de ce week-end se faisait déjà sur les chapeaux de roues. Et aux vues de la neige présente à l’extérieur du chalet, ils étaient déjà chanceux de ne pas avoir à attendre un remorqueur à bord du bus qui se trouvait encore sur la route. Ils pouvaient, au moins, être au chaud et dans le confort en attendant que la tempête ne s’efface du paysage. S’il était venu en compagnie de la Rose, il n’était pas certain d’être capable de commencer une conversation légère avec elle. Ce fut ce qui le décida lentement à s’investir dans un jeu de cartes. Ses partenaires étaient des gens agréables et même s’il appréciait de jouer avec eux en cette journée chaotique, il ne pourrait pas garantir qu’il se résoudrait à reprendre contact par la suite. Puis, sa compagne de voyage le rejoignit au cours d’une partie, rabattant le caquet de certains fanfarons du groupe. Ce fut dans la bonne humeur que les minutes, les heures s'engrangèrent rapidement. Cependant, une fois revenu dans la chambre qui les abriteraient pour la nuit, l’aisance avec laquelle il était arrivé, sembla se faire la malle. Parce que la proximité qu’elle annonçait, elle était loin de le mettre à l’aise. « Oh, merci beaucoup. Qu’est-ce qu’ils ont préparé de bon ? Il y en avait assez pour tout le monde ? », le remercia-t-elle en lui faisant de la place pour qu’il puisse déposer leurs plats sur le bureau. « Une sheperd’s pie avec une tarte aux noix de pécans. », répondit-il, le plus simplement du monde. Le dessert sentait tellement le sucre qu’il n’était pas certain d’avoir l’estomac, ni la santé adapté pour. Il enchaîna ensuite en mentionnant leur fils, raison pour laquelle ils se trouvaient là. Cette bucket list qu’ils s’étaient promis de remplir pour lui, puisqu’il ne pourrait jamais le faire. Terrain sensible, mais sur lequel il se sent capable d’échanger. Terrain neutre en somme. « Tu ne crois pas que Eamon nous tiendrait pour responsables d’une journée de ski en moins ? Je dois avouer que moi, ça ne me déplait pas de l’éviter un peu. Mais lui… », argumenta-t-elle, ce qui eut le don de faire rire l’anthropologue. Il n’avait pas de mal à s’imaginer sa progéniture maugréant qu’ils perdaient du temps, l’adrénaline et la jeunesse pompant dans ses veines. « Je me demande comment nous l’aurions contenu à l’intérieur avec toute cette neige si tentante dehors. » Là encore, il ne put retenir un sourire, le professeur. Il restait persuadé qu’Eamon aurait été capable de leur tendre une embuscade, histoire de pouvoir s’échapper et profiter du blizzard qui régnait à l’extérieur du chalet. « On aurait du demander au propriétaire de mettre des barreaux aux fenêtres pour que ce chalet ressemble à un fragment de prison. », commença-t-il en émettant une hypothèse plutôt saugrenue. « Ou bien, il aurait dû compter chaque flocon tombant dehors … Ça aurait rempli sa journée pour sûr. », ajouta-t-il avec un sourire rieur. S’il blaguait sur ces hypothèses, il était certain qu’Eamon aurait été capable de s’installer et de battre tout le monde aux cartes comme venait de le faire sa mère, quelques heures plus tôt. Assis sur une chaise face au bureau, il observa la blonde prendre place à ses côtés. « Bon appétit. » « Bon appétit », répondit-il en faisant écho à la formule de politesse de la jeune femme. Les secondes s'écoulèrent, puis des minutes dans un silence qui n’en finissait pas. En mangeant sa nourriture du bout des lèvres, son imagination et ses pensées tournaient en boucle dans son esprit tout en lui nouant ses entrailles. Il se maudissait de rester cet être renfermé et taciturne. Surtout en sa présence, alors qu’il avait passé des mois à se languir d’elle. Si bien qu’il ne vit pas d’autre solution que de meubler le blanc entre eux, en tentant d’allumer le téléviseur. Seul soucis, il ne semblait pas trouver la télécommande de l’engin. « La télévision ne fonctionne pas, la tempête doit empêcher le signal de passer. », lui annonça-t-elle en réduisant à néant ses espoirs d’échappatoires éphémères. Il lâcha un grognement de frustration, visiblement habité par un homme des cavernes. Il effectua une rotation de la tête, faisant craquer son cou, endolori par toute la tension qui s’accumulait au niveau de sa nuque. « Je… » Ces prunelles céruléennes se dardérent, une nouvelle fois, sur ses traits parfaits. « On ne s’est plus parlé depuis… la plage, et depuis Liz. Je crois que tu as été pas mal occupé depuis… » Si le début de sa phrase l’avait ramené dans un flot d’émotions contradictoires et à une envie de fuite incommensurable, la fin provoqua un froncement de sourcils contrarié. Il s’était donné la peine d’être occupé pour la simple et bonne raison que le rejet qui avait suivi cette soirée avait été plus cuisant que tous ceux qu’il avait déjà vécus. Bien entendu, il y avait eu Ella et sa grossesse qui avaient chamboulé sa vie. Même s’il n’était pas le père, il trouvait important d’être présent pour son amie comme elle l’avait été pour lui. Une des rares qu’il avait su conserver. Il reporta, alors, son attention sur son plateau pour ne pas se décomposer au fil des mots de l’australienne. « Je… Je suis désolée d’être partie après ce baiser. C’est juste que… c’était trop compliqué. » Si on lui avait donné un dollar à chaque fois que la Rose avait décrit leur relation comme quelque chose de compliqué, il aurait eu de l’argent à placer à la banque. Il soupira, las. Il n’avait pas particulièrement envie de discuter de cette soirée-là. Tout simplement parce qu’il avait, une nouvelle fois, tenté de mettre son âme, son être tout entier à ses pieds pour se retrouver face à un regard gêné. Il avait été franc, rampant quasiment pour avoir une chance de retrouver une place dans son cœur, entre ses bras. Mais rien n’avait fonctionné. Non, elle avait trouvé le bonheur dans les bras d’une autre. « Est-ce qu’il y aurait eu quelque chose à dire, Noe ? », demanda-t-il, amer, tandis qu’il jouait du bout de la fourchette avec ses petits pois. Il n’avait clairement pas la force de la regarder en face, de l’affronter sur ce sujet. « Il y a un adage qui dit qu'on fait toujours du mal à ceux qu'on aime mais il oublie de dire qu'on aime ceux qui nous font du mal. », marmonna-t-il plus pour lui que pour elle. Parce que c’était vrai. Cela avait commencé avec Eden, Hazel puis Noelia continuait la lignée des blessures cuisantes. Il avait conscience qu’elle avait le droit d’être heureuse. Par ailleurs, il n’avait cessé de se répéter qu’il avait bousillé sa chance. Mais cette soirée sur la plage, la clôture de l’affaire d’Eamon, le brasier à leurs côtés … Il s’était laissé aller à l’illusion d’un lendemain. « Tu n’as pas besoin de t’excuser. Même si j’aurais apprécié que tu sois honnête avec moi, comme je l’avais été avec toi. Je te souhaite tout le bonheur du monde, je suis sincère. Tu mérites d’être heureuse. », termina-t-il en prenant sur lui pour ne pas faire l’autruche et garder ce qu’il ressentait pour lui. Il bouillonnait de l’intérieur, mais il disait la vérité quant à ses intentions envers elle. Il était jaloux, il aurait voulu être capable d’être un homme meilleur pour elle, mais il se persuadait de n’être qu’un moins que rien. Qu’il ne la méritait pas. Il tira sa part de tarte vers lui avant de soulever la fourchette dans une moue peu convaincue. Puis il la reposa, incapable de porter cette dernière à ses lèvres. Même pour fuir ce qui suivrait.

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 (14 janvier 2023) w/ @abel montgomery

Les aventures dans lesquelles Eamon les entraine avec cette liste, il est plus que certain que la mère aurait souhaiter les vivre en présence de son fils. À défaut, elle s’efforce de faire de son mieux pour honorer sa mémoire. Qu’il les observe de quelque part ou non. Avec le temps, cela devient de plus en plus facile de parler de son fils. Le sentiment que les lambeaux de son cœur partent à chaque évocation de l’être disparu ne disparait cependant pas. Elle a appris à faire avec, Noe. « On aurait dû demander au propriétaire de mettre des barreaux aux fenêtres pour que ce chalet ressemble à un fragment de prison. » Un léger rire s’échappe des lippes de la blonde. « Ou bien, il aurait dû compter chaque flocon tombant dehors … Ça aurait rempli sa journée pour sûr. » Cette fois, Abel y va un peu fort à son goût. « Le pauvre, ça sonne plus comme une punition. » le défend-t-elle. L’Australienne prend place sur sa chaise, tout en se remémorant les nombreux instants qu’ils ont évécu à construire l’éducation de leur fils. Cela n’a pas été facile tous les jours, c’est le moins qu’on puisse dire, mais ça lui manque, parfois, de ne plus avoir ces discussions avec le Montgomery. Qu’il s’agisse de décider du cadeau du prochain Noël ou de la punition à la hauteur de la bêtise qui a été faite, de la réunion de parents à laquelle assister à l’école, au nombre de jours où ils le laissent séjourner chez un copain qui a des consoles à volonté à portée de mains, de se partager les devoirs, les moments où l’un irait le déposer le matin et l’autre le rechercher le soir. Toutes ces petites choses du quotidien, si futiles, lui manquent soudainement. Un frisson lui parcourt la colonne vertébrale alors qu’elle souhaite un bon appétit à son comparse. « Bon appétit. » répète-t-il.

Le plat ne suffit pas à faire passer le silence pesant entre les deux adultes. C’est la langue de Noelia qui se délie la première. Abruptement. Maladroitement. Abel ne mérite certainement rien de tout ça. « Est-ce qu’il y aurait eu quelque chose à dire, Noe ? » Il est tranchant. Il a raison de l’être. C’est mérité. « Il y a un adage qui dit qu'on fait toujours du mal à ceux qu'on aime mais il oublie de dire qu'on aime ceux qui nous font du mal. » La jeune femme relâche l’air comprimé dans sa poitrine et baisse le regard. Serait-ce là le résumé de leur histoire ? Quant à la peine qu’elle lui inflige, elle n’en avait jamais vraiment pris conscience. Alors pour y faire face, la Rose se force à le regarder, même s’il se décompose devant elle. « Tu n’as pas besoin de t’excuser. Même si j’aurais apprécié que tu sois honnête avec moi, comme je l’avais été avec toi. Je te souhaite tout le bonheur du monde, je suis sincère. Tu mérites d’être heureuse. » Oh que si, elle lui doit au moins ça, surtout quand elle commence une conversation comme celle-ci en l’attaquant. « Je suis profondément désolée de te faire du mal. » réagit-elle vis-à-vis de son adage. Elle dépose ses couverts, l’appétit l’ayant complètement déserté. « J’aurais dû réfléchir avant de t’embrasser, je suis désolée, c’est juste que… » des excuses, encore. Et elle baisse le regard, encore. « J’en mourrais d’envie. » avoue-t-elle, beaucoup plus bas, à demi-mots. Sans le regarder. Se sentant rougir à ce souvenir. A-t-elle le droit de l’avouer. Elle revient à son visage. Elle a l’impression qu’il se décompose sous chaque parole. « Je ne pense pas pouvoir être celle qui te rend heureux. J’ai l’impression que ça ne finit jamais bien entre nous. Qu’on ne sait pas comment faire. » Regarde, je suis partie en te laissant planté là… pense-t-elle, sans terminer ses pensées à voix haute. Du vert de ses yeux, elle parcourt à nouveau les traits de son visage, et le goût de sa peau lui revient. C’était divinement bon. Elle se redresse sur elle-même. « Je ne sais pas toi mais je m’accroche à cette liste parce qu’elle me permet non-seulement d’être en lien avec Eamon, mais de l’être aussi avec toi. » Il ne doit plus penser qu’il est le seul qui lui fait du mal, parce que Noelia, elle semble leur en faire volontairement. Si elle n’était pas aussi égoïste, elle le laisserait vaquer à ses occupations et poursuivre sa route, sans elle.  « Il n’y a pas que lui qui me manque. Notre famille me manque. Tu me manques. Chaque seconde. Et c’est affreusement difficile sans vous deux. » et ce malgré tout ce qu’elle a pu trouver ailleurs depuis. Les alternatives. Elles sont là, elles sont belles. Elle les vit, mais ce n’est jamais suffisant. Son cœur en miettes ne se recomposera jamais sans Abel. C’est un fait. Et cette douleur émane de ses pores, encore après autant de temps. « Alors oui, je te dois des excuses, parce que je suis bien égoïste de t’imposer ça à chaque fois. Mais je pense que j’en ai besoin. Ça me rend heureuse, de réaliser cette liste à tes côtés. Et je ne le ferais jamais sans toi. » avoue-t-elle, complètement transparente. Honnête, comme il l’a demandé.

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(14 janvier 2023)
@Noelia Rose

La nostalgie semble s’éprendre des deux parents, tandis que la blonde s’anime dans l’imagination de la réaction de leur fils devant une tempête comme celle-ci. La liste de ce dernier les amenant sur les traces de souhaits qu’il ne pourrait jamais réaliser. Pour ne pas être aux prises avec les émotions menaçant de le submerger, il préfère dévier sur le ton de l’humour. Diversion bienvenue, accueillie par la voix défensive de la Rose. « Le pauvre, ça sonne plus comme une punition. » Il secoue la tête, les lippes affublées d’un sourire léger, l’anthropologue. « Une simple blague, Noe. », souffle-t-il avec indulgence. Jamais il n’aurait eu la capacité à forcer son fils avec une tâche comme celle-ci. Enfant, il n’avait jamais eu l’envie de poser ses fesses quelque part, toujours animé par l’envie de découvertes diverses et variées. Ce n’était pas pour demander à son enfant de rester immobile pendant des heures. L’esprit abîmé dans le songe de ce que son fils ne pourrait jamais faire, il s’assoit au côté de la femme qui lui avait donné une famille. Le repas se plonge lentement dans la pesanteur. Comment avait-il pu se mettre en tête de survivre un week-end complet plongé dans les yeux envoutants de la femme qui avait partagé sa vie pendant plus d’une dizaine d’années ? Peut-être était-il tombé sur la tête avant de donner son accord. Il ne savait plus véritablement. Ou peut-être que si, l’imbécile.

Elle ouvre le bal des excuses et lui, il se rebiffe. Blessé par les souvenirs qui remontent à la surface. Ceux qu’il avait tenté d’étouffer en les enfonçant profondément dans l’inconscient de ses pensées. « Je suis profondément désolée de te faire du mal. », s’excuse-t-elle et les traits du professeur se crispent, sans qu’il ne puisse relever le regard vers elle pour l’affronter. Ils s’étaient fait mutuellement du mal. Serait-il temps pour eux de déposer les armes ? Ou bien de lâcher prise ? Il n’était pas certain de la solution, Abel. Tout simplement parce que les sentiments qui l’envahissaient en présence de l’australienne, ces sentiments étaient importants à ses yeux. « J’aurais dû réfléchir avant de t’embrasser, je suis désolée, c’est juste que… » Les mâchoires de géant se figent dans l’attente du couperet qui lui tomberait au coin de la nuque. « J’en mourrais d’envie. » Couperet qui ne vint pas. A la place, c’est une claque invisible qui s’abat sur son visage. Dans un geste contrarié, il pose à son tour les couverts qu’il tenait encore entre ses doigts. Si de la fumée avait pu s’extraire de ses oreilles, ce serait à cela qu’il ressemblerait. Une cocotte minute grandeur nature. Qu’était-il censé répondre à cela ? Moi aussi, j’en avais très envie ? Fait qu’elle tenait déjà entre ses doigts. Qu’elle avait en sa possession avant de partir retrouver les bras de la Fitzgerald. « Je ne pense pas pouvoir être celle qui te rend heureux. J’ai l’impression que ça ne finit jamais bien entre nous. Qu’on ne sait pas comment faire. » Les mots de la jeune femme tailladaient peu à peu la peau du quarantenaire. Prunelles qu’il plonge dans les siennes, comme pour y chercher un éclat d’humour ou de piège farceur. Non, elle paraissait bien sérieuse. Défait, il se demandait ce qu’il pouvait bien répondre à tout cela. N’était-il pas celui qui pouvait décider si elle était celle qui pouvait le rendre heureux ? « Je ne sais pas toi mais je m’accroche à cette liste parce qu’elle me permet non-seulement d’être en lien avec Eamon, mais de l’être aussi avec toi. » Bon sang que c’est dur. Il lutte encore et encore contre le flot de colère, mais aussi de tristesse qui s’immisce sous sa peau. Bien sûr que c’était pour cette raison qu’il continuait à la suivre cette liste. Sans elle, il n’aurait jamais trouvé le moyen de revenir vers elle. Elle qui l’avait tant repoussé, qui avait tant douté de lui tandis qu’il bataillait avec ses certitudes. Deuil qu’il n’aurait jamais voulu brisé, pour ne plus la blesser. « Il n’y a pas que lui qui me manque. Notre famille me manque. Tu me manques. Chaque seconde. Et c’est affreusement difficile sans vous deux. » Il n’arrivait plus à encaisser sans bouger. Dans un élan, quelque peu désespéré, il se leva pour s’isoler de l’autre côté de la pièce, qui n’était pas très grande. Les tympans tintant de tous les mots qu’il avait voulu entendre sortir de sa bouche. Depuis des mois. La seule différence avec ces espérances, c’était qu’elle avait donné son cœur à une autre. « Alors oui, je te dois des excuses, parce que je suis bien égoïste de t’imposer ça à chaque fois. Mais je pense que j’en ai besoin. Ça me rend heureuse, de réaliser cette liste à tes côtés. Et je ne le ferai jamais sans toi. » Dernier clou dans son palpitant emprisonné. Myocarde tambourinant dans sa poitrine, comme s’il souhaitait s’en échapper. Elle avait déballer tout ce qu’il lui avait reproché d’avoir gardé. Il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. Gorge serrée, les yeux humides, il passe une main tremblante sur son visage. Un rire désabusé s’extirpe d’entre ses lèvres. « J’en ai rêvé de toutes ses paroles, si tu savais. », soupira-t-il avec une grimace gênée. « Pas celles où tu me dis que tu ne penses pas être capable d’être celle qui me rend heureux. Mais celles où tu me dis que je te manque, que notre famille te manque, que tu voulais m’embrasser, que cette liste était juste une excuse pour qu’on puisse se retrouver … », continue-t-il sans même oser regarder son visage. S'il le faisait, il n’aurait pas la force de tout dire. « J’en ai rêvé, mais t’entendre le dire ce soir … Je crois que c’est la pire torture que je puisse imaginer. », avoue-t-il, une larme s’évadant de la prison de ses paupières. « Parce que ça ne veut rien dire. Tu es avec Elizabeth, Noe. Je te crois dans tout ce que tu dis, mais tu es avec elle. Pour moi, tu as fait ton choix et tu n'as pas le droit de me dire que tu voulais m’embrasser ou que je te manque, parce que … », trébuche-t-il avant de reprendre difficilement. « Parce que si j’entends ça, je vais forcément me dire que j’ai une chance. » Au diable, la certitude de ne pas la mériter. Au diable toute dignité. Il n’avait nulle part où se cacher et il devrait assumer ses dires. « Je subirais tout ce que tu voudras avec un sourire sur mon visage. Mais pas ça, pas cette incertitude, ce flou où il y a un peut-être. », supplie-t-il, les épaules basses et la mine déconfite. Ils pouvaient être deux à jouer la carte de l’honnêteté.