(avril 2020)

« Maman ! Papa ! », lançait une petite voix bien trop éveillée pour l'heure matinale qu'il était. « Je voudrais des pancakes ce matin, s'il vous plaîîît ! », ajoutait Sinead en se hissant dans le lit de ses parents, se trouvant une petite place entre les deux amoureux. Casssie l'attira vers elle pour lui donner un bec sur son front, son gros ventre presque à terme l'empêchant de la serrer trop près. Elle tourna la tête vers le cadran qui affichait à peine 6h15. « Mmmmmmmh, ce matin ça risque d'être difficile. Maman a un rendez-vous pour voir comment se porte ta petite soeur », intervenait Caelan en posant une main sur le ventre de sa femme pour le caresser tendrement. « S'iiiiiiiil te plaîîîîît », suppliait la petite de cinq ans. Cassie étouffa un rire d'adoration. « Si on arrête de trainer au lit, qu'on se lève maintenant et que tu vas t'habiller toute seule comme une grande, je pense qu'on pourrait faire des pancakes ce matin », finit-elle par trancher. Caelan sourit avec douceur, lui qui ne voulait que ménager sa femme enceinte de bien trop de semaines et qui pouvait accoucher d'une seconde à l'autre. D'ailleurs, Cassie avait rendez-vous ce matin avec son médecin pour s'assurer que tout se passait bien et vérifier s'il fallait provoquer son accouchement advenant qu'il ne se déclenche pas seul dans les prochains jours. Il fallait dire que Cassie en était déjà à presque 40 semaines. Sinead laissa entendre un mini cri de joie avant de se lever à toute vitesse du lit et de quitter la chambre parentale pour regagner la sienne, sans doute l'idée bien claire en tête de trouver des vêtements et enfin manger les pancakes si désirées. « Ménage toi quand même, hein », murmura Caelan en l'embrassant avant de se lever du lit pour lancer sa journée. Cassie en faisait bien qu'à sa tête de toute façon, et ce depuis toujours. Elle connaissait par contre ses limites, surtout celles de son corps. Et à voir à quel point ça rendait sa grande fille heureuse de manger des pancakes, ça valait la peine. D'ailleurs, Sinead finit par apparaître à nouveau dans le cadre de la porte. « Aller maman ! Il ne faut pas traîner ! » Elle était bien la fille de son père - enfin, façon de parler...

Ça sentait bon les pancakes aux bleuets dans toute la cuisine. Sinead était juchée sur un banc d'appoint, aidant dans leur préparation. Sur le comptoir-déjeuner de la cuisine, une tasse de café déjà coulée pour Caelan triomphait entre les fruits coupés et les tartinades. « Aller, va t'asseoir ma belle. C'est prêt », demandait-elle à la petite en lui servant une assiette. Au même moment, Caelan entrait dans la pièce, douché, habillé, prêt pour sa journée. Il terminait de boutonner sa chemise en déposant, au passage, un baisé sur le front de sa fille et un second sur la joue de Cassie qui lui sourit. Il sentait bon, le contact de sa peau rugueuse - faute de sa barbe - contre celle dénudée de la blonde était frissonnant. « Ton café est prêt. » Il la remercia en consultant son horaire furtivement sur son téléphone. L'air déçu, il relevait la tête vers sa femme. « Je ne pourrai sans doute pas venir te rejoindre pour ton rendez-vous. J'ai beaucoup de boulot ce matin », lui confiait-il. Cassie lui sourit, pas tellement inquiète. De toute façon, s'il y avait un problème, Caelan ne serait pas très loin, à quelques étages près. « Peux-tu aller déposer Sinead à l'école ce matin, au moins ? Ça m'aiderait grandement. » La petite, qui n'en manquait pas une, manqua presque de s'étouffer avec sa bouchée. « Ouiiiiiiiiiiiiiii !! » Il y en avait une qui était bien heureuse de cette proposition de plans.

C'était le genre de matin typique dans leur famille, entre chaos organisé et douceur. Le déjeuner terminé, Cassie profita du calme et du silence de la maison pour ranger la cuisine après avoir souhaité une bonne journée à ses deux amours. Elle procéda à sa propre routine par la suite, toujours la dernière à se mettre en beauté. Il semblerait que c'était la norme, quand on devenait maman, de faire passer tout le monde avant soi-même. Elle amassa ses longs cheveux en une natte basse, appliqua un peu de maquillage sur son visage et se dirigea, lentement, vers le centre médical où elle rencontrerait son médecin de grossesse. Après les vérifications, elle était certaine que tout irait avec bébé deux. On lui laisserait sans doute encore une ou deux semaines pour se pointer le bout du nez seule, et si elle désirait demeurer encore bien au chaud dans le ventre de sa mère après ce délai, ils n'auraient d'autres choix que de déclencher l'accouchement. Passé quarante-et-une semaines, c'était la procédure. Elle en était convaincue.

Café pour emporté dans la main, elle avait quand même pris le temps de visiter son barista préféré près de l'arrêt du cable car pour commander un latté et se faire plaisir, elle entra dans l'embarcation en jetant un coup d'oeil à l'heure sur son téléphone. Elle aurait juste un peu d'avance, c'était parfait. Elle en profita, tant qu'à avoir l'appareil dans les mains, pour pianoter un message destiné à son mari, répondre à des courriels professionnels. Alors que le tramway allait se remettre en route, il s'arrêta nettement ce qui fit relever le regard de la blonde vers l'avant, pleine de questionnement. Essoufflée, une brune qui venait vraisemblablement de courir quelques coins de rue, une brune qu'elle connaissait un peu, retenait les portes de l'appareil, pressée. Alison avant un grand sac sur l'épaule, était bien mise, mais semblait à la bourre, sans doute en retard pour sa journée de travail. Elle eu de la chance d'attraper le tram alors qu'il s'apprêtait à repartir, mais sa tentative d'embarquement ferait certainement ralentir son trajet, l'embarcation s'étant forcée à s'immobiliser nécessitant quelques minutes pour se remettre en marche. Il était évident que la brune n'avait porté attention aux alentours, bien trop préoccupée par sa matinée mouvementée. Elle s'était assise tout près de Cassie, sans doute sans s'en rendre compte, laissant la blonde la regarder. Bien qu'Alison et elle n'avaient pas de relation bien déterminée, elles n'avaient que partager le même homme, à deux époques différentes, Cassie avait toujours été très cordiale avec l'ex-femme de son mari. D'une voix douce, ne voulant pas la faire sursauter, elle s'adressa donc à la médecin. « C'est toute une matinée, dis donc », gloussa-t-elle avec tendresse. « Bonjour Alison », la salua-t-elle en lui souriant.