Le bruit de la portière du Gallagher résonna au milieu de la forêt de Muir Woods. Quelques secondes plus tard, ce sont les gloussements de son rendez-vous de ce soir qui se glissèrent dans son tympan. Il ne savait pas pourquoi, mais il était persuadé que la soirée en compagnie de la jolie Libby tournerait court. Etais-ce à cause de la façon dont elle se dandinait ? Ou bien à chaque fois qu’elle se forçait à rire à une de ses paroles ? Ou encore lorsqu’elle se collait contre lui comme s'il lui appartenait ? Peut-être une combinaison des trois à la fois. Dans un soupir, puis un sourire crispé, il lui indiqua de le suivre jusqu’aux festivités. Il avait été invité par ses amis et il ne s’était pas fait prier pour accepter. Même s’il devrait travailler deux fois plus le lendemain pour réviser. Malgré l’humidité de l’automne et la fraîcheur de la nuit, le lieu n’en restait pas moins magique. Comme s’ils entraient dans un nouveau monde. L’atmosphère détendit peu à peu l’âme du Gallagher et il se laissa aller aux conversations partagées avec les personnes qui l’entouraient. Du coin de l'œil, il ne rata pas le départ d’Alison tandis que Libby était toujours accrochée à sa manche. Il résista à l’envie de secouer son bras pour l’en faire tomber. Pour faire diversion avec ses idées agacées, il vida son verre d’un trait. « Je vais m’en chercher un autre, quelqu’un veut quelque chose ? » Tout le monde lui signifia que non en un signe de tête. « Je t’accompagne ! », s’exclama sa compagne de la soirée en s’accrochant un peu plus, le regard rempli d’espoir. Et il comprit pourquoi son seuil de tolérance avait été dépassé avec elle. Il avait été clair dans ce qu’il recherchait : rien de sérieux, de la compagnie sans attache. Et il l’était avec toutes les filles, les femmes qui croisaient sa route. Il était franc pour ne pas blesser. Peut-être pour se protéger lui-même. Il ne voulait pas voir cet espoir de le changer au fond de ses prunelles. S’il aurait pu se laisser aller à l’étreinte de la jeune femme, il y a quelques heures encore, en cet instant, il savait que tout cela tournerait au drame, s’il la laissait s’approcher un peu plus.  « Profite de tout le monde, je reviens. », lui répondit-il avec une certaine tension dans la voix. Et il fila sans demander son reste. Le soulagement envahit alors sa poitrine, tandis qu’il s’éloignait d’un pas modéré. Il se dirigea vers le lieu où il pourrait remplir son verre de bière, à nouveau. Ses orbes furent attirés par une silhouette familière, un peu à l’écart de tous. Incertain quant à l’identité de la personne, il s’approcha tout de même, un sourire joueur sur les lèvres. Lorsque l’étudiante se retourna vers lui, il se félicita d’avoir vu juste. Quant à elle, la Conley ne semblait pas spécialement ravie de l’avoir dans son périmètre. « La forêt n’est pas assez grande pour toi, Gallagher ? », se hérissa-t-elle et il haussa les épaules, peu impressionné par sa rebuffade. Il avait toujours eu l’impression d’importuner la future kinésithérapeute, simplement par sa présence, et de nature plutôt curieuse, il voulait savoir pourquoi. « Tu as trouvé un spot sublime, tu peux partager. », lâcha-t-il sur le ton du défi. Il ne se démonta pas et s’approcha un peu plus, puis il prit place à ses côtés. Il devait aussi avouer qu’en plus de vouloir percer le mystère autour du pourquoi elle semblait l’exécrer, il la trouvait relativement intéressante. Le peu de fois où elle s’était mêlée à une conversation où il était présent, les paroles de la jeune femme étaient pleines d’intelligence et de piques bien senties. Il aurait aussi pu se noyer dans l’intensité de ses prunelles. Attiré comme un aimant, il avait toujours attendu le bon moment pour l’interpeller.  « Où est passée ta poupée Barbie ? », l’interrogea-t-elle. Il ne rata pas la répulsion qui régnait dans le ton de sa voix. Il arqua un sourcil tout en la dévisageant. « Elle n’est pas à moi. Et elle est encore en train de converser avec les autres invités. », dit-il d’un ton plat. Il la défiait du regard, comme pour l’inviter à cracher tout le venin qui semblait couver dans ses veines. « On ne se connaît pas et pourtant, j’ai l’impression que tu ne peux pas m’encadrer. Je me trompe ? », appuya-t-il un peu plus avant de prendre une gorgée de sa bière de manière relativement décontractée. Parce qu’il savait qu’il ne lui avait jamais rien fait. Pas de cœur brisé, de promesses non tenues. Il n’aurait pas pu l’oublier, il en était certain. « Pourquoi ? », enchaîna-t-il sans quitter ses perles des siennes.