Les pieds dans le sable, l’air est frais, s’insinuant sous sa veste et venant faire frissonner doucement sa peau. Il sourit à cette brise qui lui fait du bien alors que son esprit trop actif réchauffe l’ensemble de son corps. Brulant, il marche doucement jusqu’à rejoindre le lieu de rendez-vous qu’il avait donné à sa meilleure amie, adjointe et mère de ses filles. Étrangement, c’était envers elle, autant qu’envers son frère et sa sœur qu’il était nerveux d’énoncer la nouvelle. La dernière fois, il les avait détruits, eux, leur relation et tout ce qui allait avec. Il leur avait fallu de nombreuses années pour finir par se retrouver et redevenir, ou même devenir ce qu’ils sont aujourd’hui. Encore plus forts qu’avant, ils sont les faces d’une seule pièce, indissociable, toujours ensemble mais avançant dans l’âge à leur rythme. Les années ont passé et s’ils s’étaient dit un jour que leurs vies ressembleraient à ça, ils seraient probablement morts de rire, littéralement. Bien en avance, il profite du calme de la plage, celle où tant de fois ils se sont retrouvés. La baie de San Francisco. Ce sont les rires des jumelles qui viennent trahir l’arrivée de la belle derrière lui. Se tournant, il ne cache absolument pas son sourire et vient se baisser en tendant les bras pour y accueillir les deux demoiselles qui ont ravagé son être par leurs seules existences. « Bonjour vous, comment vont les plus belles ? » Si Madelyn ne partage pas son sang, il la considère tout autant que Ruth qui portant le nom de sa mère, aborde la même chevelure que lui et ce même froncement de sourcil, autoritaire sur lui, adorable sur elle et pourtant ravageur.  Les déposant au sol lorsque la mère arrive à son niveau, il vient à son tour la prendre dans ses bras. « Hey! Comment tu vas ? » La question est d’autant plus sérieuse car la vie de la Keynes n’a pas la même vision que celles des jumelles, encore innocentes et gâtées par un quotidien de bambin, loin des problèmes que peut subir leur mère au quotidien. Ca ne fait pas si longtemps que son fiancé peut se tenir debout et marcher, pas si longtemps qu’elle a donné naissance à ce petit garçon qui est blotti contre elle dans l’écharpe qu’elle porte. Un baiser sur le front du bébé puis sur celui de la mère avant de s’éloigner légèrement pour la laisser respirer. Il ne veut pas débuter la conversation par l’annonce qu’il a à lui faire, il sait aussi que rapidement elle va tenter de venir dessus. Il veut d’apprendre prendre le temps pour elle, s’assurer qu’il peut le faire, et ensuite, il le lui dira. Parce que dans moins d’un mois, il sera de nouveau dans le pays qui la détruit et il sait que trop bien, les pensées qu’elle pourra avoir à ce sujet…

« MAMAN ! » Une petite voix nasillarde s'éleva dans le couloir de la bâtisse Lennox-Baxter. Dans un geste, la jeune maman penchée au-dessus de son nourrisson de cinq mois leva les yeux au ciel. Cali et Zoé avaient été déposés chez leur mère, la veille. Quant aux jumelles, elles trépignaient d’impatience. Depuis qu’Evaline avait promis une promenade sur la plage, en compagnie de leur père de surcroît, elles ne cessaient de la rappeler à l’ordre pour qu’elle accélère le mouvement. Comme si elles ne l’avaient pas vu depuis une éternité. Le petit Eli n’habitait plus son ventre depuis quelques mois, mais il était toujours source de ralentissement. Comme tout enfant en bas-âge. Elle ne s’était toujours pas fait implanter deux bras supplémentaires, non plus. « Je finis d’habiller votre frère et de lui changer sa couche. A moins que l’une d’entre vous ne veuille prendre ma place ? », lâcha-t-elle, pleine de malice et persuadée qu’aucune des deux ne se porterait volontaire. Un beuuuuuurk général ne se fit pas attendre et les pas des filles s'éloignèrent avec empressement. Une demi-heure plus tard, tout ce petit monde franchissait enfin le pas de la porte pour s’engouffrer dans le véhicule familial de la secrétaire. La Keynes avouait volontiers que tous ces bambins étaient des vampires énergivores. Mais les vampires énergivores les plus mignons que cette terre ait porté. La fille de militaire vivait la vie qui avait toujours peuplé son imagination. Pas les détails, ni même le chemin qu’elle avait parcouru jusque-là. Mais, être aimée à sa juste valeur, entourée du fruit de cet amour et au sein d’un foyer chaleureux, il était là son rêve devenu réalité. Et retrouver son meilleur ami aujourd’hui, ne faisait qu’embellir sa journée. Par chance, le parking lui laissait encore de l’espace pour garer son mastodonte et elle libéra les fauves en un clin d'œil - après les avoir gardés prisonniers le temps d’harnacher le petit dernier dans son écharpe de portage. Eli contre son abdomen et un sac cabas sur chaque épaule, elle regarda avec un sourire, ses enfants se précipiter vers le O’Callaghan. « Bonjour vous, comment vont les plus belles ? », demanda-t-il en ne faisant aucune différence entre l’une et l’autre. Ce geste, pourtant devenu si naturel depuis leur naissance, touchait toujours profondément son âme de maman. Elle avait apporté une tornade au sein de sa vie, mais il avait accueilli cette tornade de la meilleure des manières. « Hey! Comment tu vas ? » Salutation qui lui était destinée, sourire qu’elle lui adresse avec bienveillance et baiser sur le front qu’elle accueille avec joie. Elle dépose à son tour, un baiser sur la joue de l’ancien militaire. « Toujours en train de courir, mais ça va. Et toi ? », s’enquiert-elle avec une curiosité légère. Elle détourna le regard de son ami pour interpeller ses filles. « Ruth, Maddie, vous restez là où vous êtes, on arrive. » Ses pieds s'enfoncèrent dans le sable, tandis qu’ils avançaient à la rencontre des deux petites assises au milieu de l'étendue sablonneuse. Arrivée à leur hauteur, elle se délesta de son sac qui contenait tous les accessoires pour creuser, gratter, construire dans le sable. « Tu es sûr que tout va bien ? », insista-t-elle, en se remémorant l’hésitation qu’elle avait perçu dans sa voix quelques instants plus tôt.