« S’il te plaiiiit » C’est ainsi qu’à démarrer ces deux jours qui s’annoncent. Une supplique d’Evaline Keynes. Meilleure amie depuis de longues années maintenant, elle ne pouvait résister et ne pouvait dire non à la mère de ses filleules même si ce n’était pas pour elle directement qu’elle faisait l’effort. Chaperonner un voyage scolaire à la campagne pour la fille ainée du fiancé de cette dernière. Elle avait des journées de libres, pour une fois et étrangement, alors aucune raison pour refuser. « Il est vrai que c’est rassurant d’avoir des médecins avec nous dans cette aventure ! » Des ? En serrant la main de la maîtresse d’école, l’information était venue à ses oreilles et si elle avait souri en premier lieu car sa spécialité ne servirait pas dans ce voyage, elle l’espérait fort tout du moins… l’interrogation s’était prise avec le pluriel de la phrase. Quel autre médecin pouvait se rendre disponible sur deux jours en semaine pour accompagner une classe de bambins à la rivière et dans la forêt ? Mettant son sac sur son dos avant de sentir la petite main de Zoë dans la sienne, elle porte le regard sur l’enfant pour s’assurer que tout va bien. Comme toujours, ce n’était qu’un rapide besoin d’attention avant d’aller faire la maligne avec ses amis. Voulant poser ses affaires dans le bus, c’est vers l’entrée de ce dernier qu’elle se dirige avant de voir le fameux médecin qui accompagnait également l’école lors de cette sortie. Entre rire et horreur, elle le reconnait. Loin d’être ce que l’on peut communément appeler un médecin, elle faisait face à Caelan Gallagher, légiste dans le même hôpital où elle exerce et concurrent actuel sur une proposition d’affectation de financement exceptionnel. Elle savait qu’elle aurait dû refuser pour travailler sur ce dossier…

La journée bien avancée, elle ressent une fatigue différente de celle habituelle. Veiller sur des gosses à longueur de journée s’avère être épuisant. Pourtant enrichissant et amusant. Alors qu’elle finit de leur raconter une histoire autour du feu sur un énième voyage qu’elle a pu faire à leur âge et demandé en premier lieu par la gamine qui la connait, elle s’amuse entre geste et théâtralisation des évènements. Pourtant, du coin de l’œil, elle avait bien vu le Gallagher fuir vers la tente d’organisation, quittant l’activité vaisselle sans prévenir. « Et d’ailleurs, il fallait se coucher tôt si nous voulions profiter des longues journées d’été ! Alors zou, tout le monde, dans les tentes. » Sonnant la fin de la soirée, elle rejoint la tente qu’ils devront partager. Aléas de la journée, ils avaient dû abandonner des tentes à des enfants à cause d’oublis, et pour cela, les deux accompagnateurs devraient partager la leur. La maîtresse avait eu l’air fière d’elle dans la pratique, mais l’énervement des deux docteurs était plus que palpable, pas à ses yeux à elle apparemment. Agacée par le comportement du légiste sur toute la journée, notamment par ses absences répétées au téléphone, elle compte bien comprendre ce qu’il a. Il a sa propre fille ici, pourquoi ne pas s’occuper un peu plus des enfants et laisser au diable le reste ? Ce n’est pas un âge où ils doivent se sentir abandonner… « Tu comptes un jour faire acte de présence Galla… » Tournant pour le voir en face, ce n’est absolument pas un homme en train de s’amuser sur son téléphone qu’elle découvre la chirurgienne. S’il ne pleure pas encore, il a l’air abattu l’homme. Si elle s’était jurée de devoir le détester, déjà juste pas principe car sa spécialité lui donne froid dans le dos, elle ne peut rester froide face à un tel tableau. Attrapant le premier tissu blanc qu’elle voit, elle s’avance doucement vers lui, en l’agitant comme un drapeau blanc, trêve entre les deux, le temps d’être adultes et surtout humains entre eux. « Besoin d’en parler, d’exploser ou juste de s’assoir en ruminant ? » Sans savoir comment, elle a toujours tenté de rebondir pouvant passer d’une émotion extrême à l’autre, elle a aussi toujours su écouter et être là pour les autres. Pas toujours de la meilleure manière mais à sa manière et jusqu’à aujourd’hui cela a fonctionné à plus de 99% des cas. Elle espère sincèrement que cette fois ne fera pas partie des exceptions. Ils pourront vérifier l’état des troupes par la suite, la nuit ne fait que débuter après tout, non ?