Finissant de se préparer, il a le sourire marqué sur le visage et le cœur léger le Fitzgerald. Parce que depuis un mois, son cœur est à nouveau à sa place. Depuis un mois, elle a accepté de baisser les barrières Sophie et aujourd’hui, il est libre de l’appeler, d’aller la voir et de la prendre dans ses bras – dans la limite de la présence des enfants Harper tout de même. Un mois qu’il est à nouveau ce jeune adulte complètement irresponsable mais irrémédiablement amoureux. Parce que les sentiments développés trop d’années auparavant, ils ne sont jamais partis et ne font que semer de nouveaux, parsemant son être au complet d’un bonheur absolu. Chaque jour, il propose de nouvelles choses, des expériences, des rendez-vous, des discussions, pour rattraper le temps qu’ils ont perdu mais surtout pour profiter de ce qu’ils peuvent vivre à présent. Présent qu’il croque à pleines dents, présent qu’il est plus que joie de pouvoir lui faire aimer à son tour. Il est là, complet, heureux et plus jeune que jamais. Il voudrait lui faire parcourir le monde, sauter en parachute, monter le Kilimandjaro, danser le tango sur la plage, faire du saut à l’élastique, plonger dans la grande barrière de corail et simplement admirer son sourire et sa passion sous tous les couchers et levers de soleil que la terre peut leur offrir. Si elle le freine dans ses instants de frénésie, il l’amène à penser à de nouveaux possibles et ensemble, ils se complètent comme ils auraient dû le faire sur presque cinq décennies. Aujourd’hui, dimanche, ce n’est pourtant pas avec elle qu’il passera la journée. Tandis qu’elle passera probablement sa matinée à cuisiner pour accueillir sa tribu, dans un rituel constant, il ira déjeuner avec sa benjamine. Un dimanche par mois, même restaurant, même lieu, même heure, même rituel. Depuis son tout jeune âge, un temps père fille qu’ils chérissent l’un comme l’autre, même après les différentes affres de la vie de sa fille, ils ont tenu à cette habitude qui lui fait toujours chaud au cœur. Parce qu’il n’est pas le père conventionnel, Jack. Il n’est pas l’homme qui a pu élevé les Harper, parfait et à ne jamais se poser la question sur sa paternité. Il avait été paniqué tout du long à se dire qu’il avait peut être un jour raté quelque chose et que pour toujours ses enfants pourraient en pâtir. Naos le prouvait aujourd’hui en ne réagissant comme son grand-père avant lui dans une vanité qu’il réprime au plus haut point Jack. Elizabeth avait souffert mais se remettait, il l’espérait, doucement sur le droit chemin. Saros, lui, vivait sa vie tranquillement, tout du moins, de ce qu’il voyait le père.

Ascenseur personnel qui descend directement dans la suite de sa fille, il ne cherche même pas à faire des manières en attendant qu’elle l’invite à entrer. Instantanément, les odeurs viennent attaquer ses narines et il bloque sa respiration, allant jusqu’à ouvrir les fenêtres de l’immense suite royale. « Eli… » Dépité, il sait parfaitement que sur bien trop de tableaux, sa fille tient de lui. Pourtant, il sait que lui, n’est jamais allé aussi loin. Jamais l’addiction n’a pu être dangereuse pour sa vie, jamais elle n’est devenue réelle - autre que celle qu’il avait pour une femme en particulier…  Ses pas le font divaguer dans la pièce, alors que ses yeux se posent sur les verres à moitié vide, les cendriers pleins et les quelques corps encore endormis. « Messieurs, Dames, avec un peu de respect pour vous-mêmes, je vous demanderais de bien vouloir quitter les lieux, merci. » Il est amusé en vérité par la situation et cela se voit parfaitement sur son visage et s’entend au son de sa voix. Il est habitué de ce genre de spectacle, mais la panique qui prend l’esprit des jeunes encore trop peu réveillé et n’ayant surtout plus l’âge de faire ce genre de fête, le fait rire ouvertement. « Et on n’oublie pas ça, mademoiselle. » Dans un rictus, il emballe sa main dans un vêtement avant de récupérer le sous-vêtement de la jeune femme et lui tendre, elle rouge comme une pivoine, lui levant les yeux aux cieux. Alors que les mouvements se font derrière lui, il ouvre en fracas la chambre où se trouve sa propre fille, allongée de tout son long, sur un lit gigantesque et sans aucune âme à ses côtés. On reconnait bien là, la miss Fitzgerald, on s’amuse à plusieurs mais le sommeil reste sacré et le lit réservé pour seulement certaines personnes… « Debout là-dedans, nous sommes attendus dans quinze minutes en bas, avec le sourire, la bonne humeur et la tête bien fraiche. » Il s’approche pour venir embrasser sa fille sur le front, dans une habitude presque étonnante. Famille atypique et pourtant, plus que traditionnelle à la fois. Il fronce le nez en se reculant légèrement. « Oh tu sens vraiment ma chérie, une bonne douche te fera le plus grand bien et en frottant sérieusement, hein. » Clin d’œil pour montrer l’ironie qu’elle connait parfaitement et qu’elle subit dès le réveil. Mais le réveil à 10h45 n’en est plus véritablement un pour lui, elle a grandi ainsi et ils se connaissent que trop, la fille et le père. Surtout qu’il a besoin de sa bonne humeur aujourd’hui, vu qu’il souhaite enfin lui dévoiler son idylle d’une vie avec la personne d’après qui, elle est nommée Elizabeth.

Il connait les déboires de sa fille, il les a vu, presque trop de fois et il aimerait pouvoir éviter de payer une nouvelle cure à celle qu’il considère comme sa princesse de toujours. La taquinerie toujours à l’ordre du jour, ce n’est pas l’amour qu’il ressent pour une femme qui changera ce lien particulier qu’ils peuvent avoir l’un pour l’autre. Ce lien de père et fille unique en son genre, un lien plus amical que d’autorité, comme si avec elle, il avait été incapable de jouer le même rôle qu’avec ses deux fils. Incapable de lui dire non, peut être trop souvent, incapable de la remettre dans une ligne qui lui ferait pourtant du bien à la jeune femme qui a parfois, l’air perdu dans un monde qui ne pourra jamais s’adapter à son âme libérée et aventurière. Pourtant, il sait aussi parfaitement la bouger, la rendre responsable ou plutôt lui faire comprendre les responsabilités de ses actes. S’il n’arrive pas à lui demander de subvenir à ses besoins seule, la faire se lever tôt après une nuit de débauche, il n’a aucun problème avec cela. Peut-être qu’une semaine dans son petit chez lui, ou plutôt vers chez ses grands-parents pourrait lui faire du bien à la jeune femme, mais comment se résigner à lui faire vivre une vie qu’il a lui-même fini par renier ? « Quinze minutes ? » Il fait oui de la tête, à moitié sérieux, mais sans qu’il y ait de négociations possibles et elle le sait l’artiste. « Et si tu traines, j’avance le rendez-vous. » L’étreinte s’en suit et le rire suite à une réplique qu’elle obtient depuis son plus jeune âge. Ce rire, il l’a toujours aimé Jack, comme une mélodie inventée juste pour elle, une ritournelle qui lui réchauffera le cœur à jamais, même dans les plus noirs moments. Et en cet instant où il plane véritablement, il a l’impression d’être pleinement heureux pour la première fois de sa vie le gérant d’hôtels. Si quelques tâches sont présentes, elles ne représentent que cela, des tâches face à des vagues du bonheur pur. « Oui père ! » Il lui fait geste de déguerpir continuant ce jeu de famille bourgeoise qui s’y croit un peu trop. Et pourtant. Pourtant, il a vécu ce genre de conversation sans qu’elles soient pour rire avec son propre paternel. Discussion qui l’avait amené à vouer une certaine rancœur, proche de la haine envers son propre père. Père coupable de bien des choses dans sa vie, dont la fin de ses rêves les plus profonds. Ceux qu’ils poursuivaient de son côté, écrasé par la dure responsabilité d’être père à son tour. S’il avait pu l’être à sa propre manière dès le départ, il n’aurait peut-être pas cette vie, mais il serait lui, entièrement. Elle se lève la demoiselle, se promenant dans son drap uniquement face à sa penderie bien trop grande pour une seule personne. « Toi aussi t'as du mal à te remettre de tes nuits de débauche maintenant ? » Il rit à son tour à cette interrogation, quelle question ! Il valide d’un coup de tête la robe choisit par sa progéniture et se retourne vers elle. « Je suis un homme digne mademoiselle. » Comme s’il n'avait plus du tout de soirée de débauche aujourd’hui. Pourtant, il continue dans un élan ironique. « J’ai juste la bonne idée de ne pas avoir d’impératif le lendemain pour récupérer totalement. Mais je crois être de bonne constitution, tu as juste hérité de la mauvaise personne. » Il lui offre un clin d’œil face à cette réalité. Il avait cette faculté à récupérer plutôt convenablement de soirée qui durent et fortement alcoolisé, toutefois, il devait l’avouer, cela faisait des années, même des décennies qu’il n’avait probablement agit comme elle en soirée, peut-être même ne l’avait-il jamais fait, connaissant ses limites et les respectant. Son corps étant bien trop important pour profiter de la vie autrement. Alors qu’elle part dans sa salle de bain, il se permet, presque plus comme une mère, d’aller aérer la pièce, mais aussi de ranger quelques petites choses qui trainent par ci ou par là, dans un ordre presque ancré en lui. Alors qu’elle lui crie une demande de temps, il regarde sa montre et lève les yeux aux cieux. Si le laissait aller le caractérise sur bien des choses, le respect et la ponctualité sont des indispensables dans son quotidien. Mais il laisse faire, sachant pertinemment qu’il avait pris large, de toutes manières, connaissant que trop bien sa fille chérie. Alors qu’elle réapparait, il sourit un peu plus. « Mieux ! » Il aurait pu lui adresser un nouveau baiser mais elle s’arrête l’épiant à sa manière, les yeux clairs de son enfant perçant presque son âme. « Tu as l'air différent aujourd'hui. Tout va bien ? » Il sourit, rit presque. « Parfaitement bien. – Je ne pense pas qu’un manteau soit nécessaire ma chérie, il fait 28 degrés dehors. – Je suis heureux, est-ce donc un comble ? » Alors qu’il récupère le sac à main d’Elizabeth et lui ouvre la porte, il l’invite à sortir de cette chambre qui sera parfaitement propre et rangée à leur retour suite au passage des femmes de chambre qui feront comme toujours, un travail incroyable. La suite est maintenant vide et il attend d’atteindre l’ascenseur pour continuer sa réponse. « A vrai dire Liz, je suis même plus qu’heureux, je suis amoureux. » Comme un adolescent qui annoncerait un secret à un ami, il a presque le rouge qui monte aux joues. Si plusieurs fois dans sa vie, la jeune femme avait connu son père ‘avec quelqu’un’, si plus d’une fois il lui avait fait une annonce comme quoi, il était en couple, jamais, au grand jamais, il ne lui avait dit ces mots. Il était amoureux. Cela parait innocent, bête et si simple, mais cette idée génuine, ce sentiment qui emplissait son cœur d’un nuage de paillettes, il ne l’avait jamais ressenti avec une autre femme qu’elle, que celle qui avait pour la première fois fait battre son cœur à tout rompre et qui sera probablement la dernière à le faire. L’ascenseur dévale doucement les étages de l’hôtel, sans jamais s’arrêter puisque particulier. Pourtant, bêtement, il a le cœur qui bat et attend la réaction de sa fille avant de longer le lobi et se diriger directement vers le restaurant de leur hôtel où il avait choisi de réserver puisque le brunch préféré de sa fille était au menu.

La relation père-fille, il en avait eu peur et en même temps l’avait chéri avant même qu’elle vienne véritablement au monde. Deux garçons avant elle, elle était la petite dernière, la princesse et le trésor de ses parents. Lorsque Louise avait exprimé être de nouveau enceinte, il avait eu une boule au ventre Jack, il était heureux mais nerveux. Lorsqu’il avait appris que ce bébé serait une fille, il est passé par tous les sentiments. Le stress, la panique, la peur de mettre au monde une femme contre qui le monde sera, mais aussi la joie, l’intensité, l’immensité et un sentiment de protection nécessaire. Quand elle est née Liz, il a su tout de suite qu’elle serait son grand amour. Sa fille, son bijou, sa princesse et ce prénom était venue à ses lèvres. Elizabeth. Deuxième prénom de la seule et unique femme à l’avoir fait tomber le Fitzgerald, il souhaitait que ce nom relie les deux femmes pour qui il vouerait sa vie. Louise avait bien réagi à ce prénom et suite à l’explication, même si elle avait tiqué, elle avait accepté, parce qu’elle ne pouvait le forcer à ressentir la même chose pour elle, mais il était là, avec elle et si ce prénom faisait en sorte que le père retournerait le monde pour sa fille, alors elle en était d’accord la fille de l’Alabama. Les larmes avaient coulé et à chaque étape de sa vie encore, souvent timidement, il n’avait pu ressentir que de la fierté en voyant son bébé devenir fille puis femme. Malgré les déboires, malgré les tumultes d’une vie qu’il aurait souhaité lui éviter, il était fière d’elle et jamais son amour pour elle n’avait diminué. La voyant arriver de la salle de bain, apprêté et soignée, il le ressent encore ce sentiment, cette pointe de fierté. Il ne peut que s’amuser de voir toutes les différences entre les deux femmes, Sophie et Elizabeth avait tant de différence et pourtant, en les connaissant, il savait que leur cœur était pourtant proche, d’une bonté sincère et bienveillante, vivante, même si plus ou moins caché en fonction de la personne. «  À d'autres, papa » Il accepte le pic, mais il se note de lui rappeler, de lui prouver qu’il a meilleure mine qu’elle-même après une soirée complexe, juste pour rire. « Heureusement, pour tout le reste j'ai hérité de toi » Il rit, pauvre demoiselle, si elle savait… Oui, elle avait hérité de lui sur de nombreux points et pas toujours sur les bons mais tant qu’elle les aime et les assume, alors tout ira bien.

Ils se retrouvent rapidement dans l’ascenseur de la suite pour descendre vers le restaurant et alors qu’elle lui avait demandé si tout allait bien vu qu’il semblait différent, il ose lancer la conversation de suite Jack, n’attendant même pas d’arriver à la salle de restauration. Le sourire de Sophie lui vient à l’esprit alors qu’il lâche les mots sincères et pleins de sens à sa fille. Il est amoureux. Lui, l’éternel mari insatisfait, le bachelor, celui que l’on voit mais n’atteint jamais, même la bague au doigt, était tombé amoureux. Ou plutôt, avait retrouvé la seule et unique femme a qui il avait su donner son cœur. « Oh papa... » Dans la réaction de son enfant, il voit l’incompréhension et peut être aussi l’inquiétude du passé. Parce qu’elle a vu défiler des femmes dans les bras de son père, deux mariages suite à sa mère et plusieurs conquêtes. Longtemps, il avait cherché ce sentiment Jack, sans jamais réussir à le retrouver, sans jamais pouvoir comprendre. En remettant les yeux sur la Lennox-Baxter, il n’avait pourtant pas perdu de temps à voir l’explication de ce comportement. C’est elle qu’il cherchait, envers et contre tout et il se devait d’arrêter d’en faire souffrir d’autres pour cela. Il sourit à la réaction naturelle de Liz et attend la suite. « Tu sais que c'est une mauvaise idée, pas vrai ? Je veux dire... T'as le chic de tomber sur celles qui ont déjà le pied dans la tombe ou des croqueuses de diamant » Il rit cette fois alors que l’ascenseur ouvre ses portes pour les laisser avancer jusqu’à leur table réservée comme tous les dimanches. « Tu n’écoutes donc pas ce que je te dis jeune fille. Je ne t’ai pas dis : je suis avec quelqu’un, mais je suis amoureux. » Comme un enfant de trois ans pourrait faire la différence, comme si l’écart était gigantesque. Normalement, les deux vont ensemble mais pour lui, cela est bien réel, bien différent. Oui, il est avec Sophie mais plus que cela, entendre son prénom le fait sourire, la voir, le rend joyeux. Il a des papillons juste à avouer tout cela à sa fille, alors non, cette fois, ce n’est pas une mauvaise idée, c’est même pour lui, la seule bonne idée qu’il ait prise depuis cinquante ans. Il vient s’assoir tranquillement à la table, attendant qu’on les serve comme à l’accoutumer. Le regard de son enfant se fait fort et intense sur lui et il ne lâche pas ce sourire dans un coin. « Alors... C'est qui ? » Il la regarde de biais, sourire au visage. « Tu es bien curieuse de ma mauvaise idée dis-moi. » Il la taquine et viens voire une gorgée de l’eau qu’on leur a versé à l’instant. « Tu ne la connais pas. » Pas encore tout du moins, même s’il devait avouer ne pas être tranquille à l’idée de cette rencontre prochaine. « Elle s’appelle Sophie et comme je te disais, c’est différent. Je la connais depuis bien avant ta naissance. Elle a été mon premier véritable amour. » Et le dernier. « Et je l’ai retrouvé ici, dans cette ville. J’avais perdu le contact à l’époque et j’ai donc tenté de me rattraper aujourd’hui et je crois qu’elle a finalement accepté de me pardonner tout cela. » Il a un sourire rêveur juste à discuter de tout cela. Si beaucoup d’enfants n’auraient pas souhaité avoir les détails, il se sentait libre de pouvoir tout raconter à sa fille. « Et elle est loin d’être une croqueuse de diamant et très loin du pied dans la tombe mademoiselle ! » Il blague et rit se moquant de la phrase précédente de sa fille. Il l’espère tout du moins, que la santé de Sophie n’était pas fragile, il aimerait lui éviter la malédiction qu’il subissait avec la majorité de ses femmes. Mais elle était différente, alors elle n’aurait pas le même sort, non ?

Il se sait sur une pente dangereuse Jack. Elle le connait, peut-être même mieux que n’importe qui sa fille, parce qu’elle le côtoie depuis une éternité mais aussi et surtout parce que sur bien trop de pans, elle est identique. Intense, empathique, émotive, entière, loyale. C’est de cela qu’ils souffrent tous les deux et c’est ainsi qu’il s’était fait dévorer le Fitzgerald. Elle le lui rappelle mais cette fois-ci ce n’est pas qu’il ne veut pas entendre, mais bien parce qu’il sait que ce n’est pas comme les autres fois. Jamais. Tel un jeune premier, il parle de Sophie, laissant son sourire s’étirer librement à l’évocation de cette femme qui avait volé son cœur près de cinquante ans plus tôt. La répartie de sa progéniture le fait rire et en même temps, il ne sait pas jusqu’où il devra aller. Impossible de mentir à Elizabeth, il n’est pas certain que lui avouer toute la vérité soit la solution idéale. « Je suis vraiment contente pour toi, papa » Battement de cœur supplémentaire. Son visage s’illumine d’autant plus alors qu’il prend doucement la main de sa fille. Il aimerait tellement qu’elle puisse trouver cela. Qu’un jour, un homme parle d’elle comme il évoque Sophie. Qu’elle ait le sourire aux lèvres à la moindre évocation de l’être aimé. Elle a eu les malheurs et les affres de l’amour sa fille et pourtant, la voilà heureuse pour son père bien trop vieux pour vivre à nouveau cela. Il le pourrait, il couperait son propre bonheur pour elle, mais sans le pouvoir, il le garde précieusement pour animer le cœur de sa fille, même si c’est parce qu’elle partage sa joie. « Tu l'as donc connue bien avant maman ?» Manquant de s’étouffer, il dissimule son souffle coupé en buvant une nouvelle gorgée d’eau. Il y a-t-il un moment dans la vie d’une personne où il est correct de lui avouer avoir fait une ‘pause’ avec sa mère et être revenu uniquement car elle était enceinte ? Il se venge doucement sur son pain tentant de trouver les mots. Lui, l’homme le plus éloquent de l’histoire, cherche comment aborder l’ensemble avec celle à qui il raconte déjà bien trop de choses. La relation d’Elizabeth a sa mère était toutefois forte et jamais il ne souhaiterait rompre cette image qu’elle avait d’elle, qu’elle avait d’eux. « Mais je ne comprends pas... Qu'est-ce qu'il s'est passé pour que vous perdiez contact ? Pourquoi tu ne t'es pas accroché à elle ? » Son silence permet à une nouvelle question de faire face et il préfère cette fois reprendre la face et avouer. Après tout, à quoi bon mentir dans cette histoire ? Pourquoi fuir face à son passé et à la réalité de leurs vies ? « Il s’est passé que ta mère était enceinte. » Le début n’est probablement pas des mieux choisis mais il se devait d’être honnête. « J’avais mis fin à ma relation avec maman juste avant l’été avant l’université. C’est cet été que j’ai rencontré Sophie. » Les images de cette année défilent dans son regard, le faisant revivre les plus beaux instants de sa vie -outre les moments avec ses enfants. « L’histoire courte par la suite est que le papier où elle avait noté son numéro et son adresse a été trempé et sur cela, ta mère est arrivée pour m’annoncer qu’elle était enceinte de mon enfant. Ton frère. » Il ne regrette pas d’avoir choisi ainsi mais il s’est toujours demandé ce qu’il se serait passé s’il avait fait un autre choix. Celui de courir après l’impossible en fuyant ses responsabilités. Il sourit tendrement, repensant à toute cette époque. « Ta mère était parfaitement au courant de cet amour perdu pour moi, je ne lui ai jamais caché. Je l’ai tout de même aimé, vraiment, juste, je n’ai jamais oublié Sophie. » Son regard planté dans celui de sa fille, réveille tant d’émotions, dont celle qu’il avait ressenti lorsqu’elle avait accepté qu’on la nomme Elizabeth, leur fille portant le second prénom, de l’âme sœur de son époux… « Elle a également eu toute une vie de son côté et plus j’y pense, et plus je me dis que notre relation n’était pas faite pour l’ensemble de notre vie, mais bien pour que l’on se rassemble maintenant, pour rester à jamais le premier et le dernier. » Il sait parfaitement à quel point il est cheezy, mais il sait aussi que si une personne comprendrait c’est celle qui lui fait face, ses saphirs bien ancrés dans son regard à lui. « Promis, je ne deviens ni gâteux ni complètement gaga, je vais réussir à me contenir. » Il rigole et boit à nouveau une gorgée, se moquant de lui-même, aussi facilement que cela puisse t-être..

« Oh… Je vois. » Les paroles de sa fille sont aussi lointaines que proches, écoutant attentivement le récit de son père. Il doit l’avouer Jack, il est plutôt heureux de voir la réaction de sa dernière. Première à qui il le dit dans ses enfants, il était aussi inquiet de sa réaction, elle qui avait énormément vu en sa mère, en ce couple peut-être même qu’ils avaient formé en tant que parent. Amour réel mais apparences factices qu’il a toujours pensé visibles et pourtant, rien ne les a jamais trahis, sauf lui. Dans un ensemble de souvenirs, il résume l’histoire pour ne pas conter trop de choses à Elizabeth qui pourtant est pendue à ses lèvres. Cette gamine qui avait toujours aimé les histoires, les contes de fées, ou plutôt les romans à l’eau de rose autant que les pièces de terreurs. L’imaginaire, il fonctionnait parfaitement dans son esprit et à nouveau, il redoutait un peu cela, le Fitzgerald, qu’elle n’idéalise pas ou qu’elle ne fasse pas un objectif de ce qu’il vit avec cette femme. Ce qu’ils ont, il voudrait qu’elle le vive, mais c’est quelque chose de rare, tout aussi douloureux que passionnant mais presque impossible à trouver. Preuve en est, il aura mis plus de quarante ans avant de la revoir véritablement. Est-ce qu’elle pourrait, être aussi patiente sans s’arrêter de vivre sa princesse ? Il l’ignore mais ne voudrait pas avoir à le savoir. Il voudrait pour elle, un homme droit, sincère et aimant qui pourra la faire sourire chaque jour. Un véritable amour, sans être une idéologie. « Ce que tu ressentais pour Sophie était bien plus intense que ce que tu ressentais pour maman, non…? Tu as tout de suite su que c'était la bonne ?» Et la voici, la question qui prouve ses doutes. Il sourit le PDG face au questionnement de sa fille, qui l’interroge lui-même sur les sentiments et pensées qu’il a eu alors qu’il n’était qu’un adolescent. « J’ai tout de suite su que je serais capable de tout pour elle et de l’aimer très longtemps. Je n’avais que dix-huit ans, je ne pourrais pas te dire si j’ai pensé que c’était la bonne, je pense que ce n’était même pas une préoccupation pour moi, j’ai juste su que j’étais sur une sorte de nuage avec elle et que je n’avais pas envie que cela s’arrête » Il n’a pas eu le choix et ne le regrette plus aujourd’hui, même si cela lui aura mis du temps, peut-être presque un peu trop s’il devait avoir l’avis de certaines personnes. Il revient tout de même sur le deuxième sujet ou plutôt le premier qu’elle lui a demandé, légèrement honteux mais honnête. « Et oui, ce que je ressentais et ce que je ressens pour Sophie est plus intense que ce que j’ai ressenti pour ta mère. Mais je pense surtout que ce n’est pas comparable à mon sens. » Il finit doucement son histoire sur ces mots et laisse sa fille réagir aux informations qu’elle vient d’avoir. Cette vie que son père a eu, aurait pu avoir, si ce n’était pas pour eux finalement… « Tu sais quoi ? Je crois bien ne t’avoir jamais vu comme ça… Même avec ta croqueuse de diamants » Il explose de rire le milliardaire. La croqueuse de diamant n’était absolument rien, la mère de ses enfants avait bien plus compté que cette femme qu’il n’avait épousé que par crise de la soixantaine et l’envie de renouveau. « Je ne l’ai jamais été je te confirme et encore moins pour l’autre. » Il manque rarement de respect à des personnes Jack, mais pour cette femme, il n’en avait aucun, elle qui n’avait fait que vouloir profiter de son âge et son argent, il était bien heureux de s’être débarrassé d’elle et toujours un peu inquiet de s’être fait avoir… « Je suis vraiment contente pour toi, pour vous deux. Et je sais que tu as beaucoup sacrifié pour nous, même si tu ne l’as jamais oubliée. Et je te souhaite d’en profiter aussi longtemps que cela le sera possible » Elle a grandi Elizabeth. Elle est devenue une femme mure et épanouie, elle qui réagissait véhément contre toutes les femmes lui présentait à l’époque, elle accepte et est même heureuse, voir triste qu’il n’ait pas eu cette histoire plus tôt de ce qu’il voit. Il est fier d’elle et l’aime toujours un peu plus en voyant le potentiel qu’elle délivre jour après jour, sa fille. « Je ne compte pas nous enterrer de si tôt non mais oh ! » Qu’elle le traite de vieux crouton surtout, elle ne croit pas qu’il soit déjà devenu sénile !  « Mais merci Liz’, ça me touche beaucoup que tu le vois ainsi et que tu comprennes mon ressenti et ce qu’elle représente. » Il est sincère et vraiment touché de tout cela et ne pourrait exprimer ce que cela provoque en lui. Imaginer sa fille rencontrer cette femme est de loin quelque chose de cher à son cœur, mais chaque chose en son temps, il le sait. « Mais bien évidemment, le plus grand amour de ta vie, c’est moi ! J’espère qu’elle le sait » A nouveau, le rire tonitruant de l’homme surgit dans la pièce, et le sourire envahi son visage d’une joie réelle. « Mais bien sur ma fille, tu seras à jamais la femme de ma vie, n’en ai aucun doute ! » Et il ne ment pas en disant cela, car pour elle, il pourrait faire bien plus que soulever les montagnes et attirer la lune vers la terre, il ne voudrait même pas atteindre les limites qu’il pourrait franchir pour cette jeune femme qui vient pleinement de son sang et de sa chaire plus même que ses frères. « D’ailleurs, assez parlé de moi, qu’est-ce qu’il se passe dans ta vie ? C’était quoi encore cette soirée chez toi hier ? Toujours besoin d’atteindre les limites ? » Ce n’est pas une critique bien loin de ça, mais un intérêt sincère sur un fond d’inquiétude pour sa fille. Que fait-elle et où souhaite-t-elle allait ? Cela le questionne et il souhaite sincèrement qu’elle arrive à se trouver sur tous les angles de sa vie.